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Éloge de l’écrivain Louis Fréchette en France

En 1879, Louis Fréchette, l’homme de lettres le plus en vue du Québec, publie Les Fleurs boréales, un recueil de poèmes couronné par le prix Montyon de l’Académie française. Huit ans plus tard, il fait paraître, cette fois-ci à Paris, La Légende d’un peuple, ouvrage bien accueilli par le journal L’Illustration.

Le Franco-Canadien du 2 mars 1888 reproduit l’article de l’hebdomadaire français. Un texte étonnant.

Voilà tantôt sept années que nous avions le plaisir de présenter aux lecteurs de L’Illustration l’auteur d’un petit volume de vers que l’Académie française venait de couronner. Ce poète s’appelait Louis Fréchette, il était Canadien. Ses chants nous arrivaient de cette terre jadis française, qui se souvient encore de son origine, et son cœur était français comme ses chants. Lui-même vint en France, à cette époque, recevoir sa couronne académique, et nous aimons à croire qu’il ne remporta pas un mauvais souvenir de la mère-patrie.

Il continue, en effet, à parler, à écrire, à chanter dans sa langue, et voilà qu’un nouveau volume nous arrive d’au-delà des mers, dédié à la France et consacré à l’une des pages les plus héroïques de son histoire, puisque le peuple canadien n’est qu’un rameau du peuple français. Comme le dit très justement M. Jules Claretie dans l’éloquente préface qu’il a écrite dans le volume de M. L. Fréchette, cette histoire de nos pères morts est la richesse morale de nos frères vivants. Cette légende d’un peuple, c’est la légende d’une terre qui porta le nom de Nouvelle France et qui l’a gardé dans le cœur de ses habitants, et qui le garde encore comme un titre de gloire, et, à l’occasion, s’en pare avec fierté.

Cette histoire, là-bas, c’est l’histoire des origines. Tout le monde le connaît, s’en souvient chez nous, c’est un épisode de notre longue vie de peuple, qui s’est terminé par un écrasement de nos forces sur une terre lointaine, et dont le désastre parut chose futile à une cour qui ne prenait au sérieux que les futilités. Le deuil avait été vite fait des quelques arpents de neige.

Aujourd’hui que notre flanc saigne de blessures récentes [l’auteur fait allusion à la séparation obligée par l’Allemagne de l’Alsace et de la Lorraine], nos pertes en deçà du Rhin nous portent à mieux comprendre celles d’au-delà de l’Atlantique. Mais si nous nous souvenons de cette histoire, la connaissons-nous bien ? Par malheur, il est permis d’en douter, et c’est regrettable, car elle est belle, comme un poème, comme une épopée.

Lisez plutôt le livre de M. Louis Fréchette. Il l’a suivie pas à pas, à travers toutes ses péripéties, depuis l’origine, depuis le départ de Jacques Cartier et de ses compagnons de la baie de Saint-Malo, depuis la fondation de Montréal jusqu’à la mort de Montcalm, jusqu’à la dernière victoire du duc de Lévis, dans les plaines d’Abraham. Et l’on verra qu’en ces pages l’héroïsme abonde et que, s’il en est dont on puisse être fier, c’est assurément de celles-ci.

On ne peut se défendre d’une émotion sincère, et parfois cruelle, en lisant ces nobles choses exprimées en nobles vers ! Ce n’est pas trop de dire que c’est une œuvre inspirée, pleine de sentiments généreux et de hautes pensées, écrite avec le cœur (soit dit sans faire tort à la plume !) et qui touche au cœur le Français qui la lit !

Tous ceux, dit M. Claretie, qui aiment les hauts sentiments, les accents fiers, les beaux vers et les grands souvenirs, diront à M. Louis Fréchette : Merci !

Ainsi disons-nous de tout cœur à notre brillant compatriote du Canada.

 

L’illustration de Louis Fréchette provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec du Vieux-Montréal, Fonds Famille Bourassa, Gravures, cote : P266, S4, P63. Il s’agirait d’une gravure imprimée, datée de 1884, parue dans l’Histoire des Canadiens-Français de Benjamin Sulte, vol. 8, p. 128.

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