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«Nos hommes forts» (première de deux parties)

En 1884, un an après la parution d’un petit ouvrage de Benjamin Sulte sur Jos Montferrand, le journaliste André-Napoléon Montpetit publie «Nos hommes forts». Il s’agissait d’un livre semblable à celui de Sulte, mais sur d’autres colosses québécois. Or, dans le monde du livre, il arrive parfois, lorsque quelqu’un publie, qu’une personne ameute la communauté pour dire qu’elle disposait d’informations sur le sujet inconnues de l’auteur. Et c’est bien ce que vit Montpetit après la parution de son œuvre.

Aussitôt, un quidam qui signe Brûle Moustache écrit au Progrès de l’Est pour ajouter sa prose à celle de Montpetit sur les hommes forts québécois. Le Sorelois du 6 février 1885 reprend son propos.

Peu après la publication de son livre, j’ai signalé à M. Montpetit les hauts faits, les tours de force accomplis par Gros-Jean Charlot. Aujourd’hui, je viens de faire la découverte de nouveaux héros et je veux les tirer de la poussière et de l’obscurité où ils gisent depuis trop longtemps.

* * *

Le premier qui se présente à mon esprit est Modeste Leblond, vulgairement désigné sous le nom de Cadet Blondin.

J’ignore la raison pour laquelle on le nommait ainsi.

Cadet Blondin est mort depuis plusieurs années et était doué d’une force extraordinaire.

Un jour, un batailleur de renom vint lui chercher noise. Il voulait trouver «chaussure à son pied», disait-il. On indiqua à l’acrobate la résidence de Cadet Blondin. Celui-ci était au milieu de son champ à creuser un fossé. Voyant venir cet homme vers lui, Cadet, qui avait l’esprit perspicace, soupçonna quelque chose d’extraordinaire dans cette visite. Aussitôt, il se mit à «piquer à pleine ferrée» et à lancer des mottes de terre-glaise extraites du fossé à distance respectable d’un arpent [à quelques 65 mètres] avec une rapidité de succession étonnante : «l’une n’attendait pas l’autre».

Cependant, notre batailleur ne se laisse pas décourager pour si peu; d’un pas ferme et leste, il s’avance à travers cette «pluie» de grosses pelletées et arrive bientôt auprès de Blondin :

— Est-ce que vous êtes M. Cadet Blondin ?

— Oui, Monsieur, et à votre service.

— Je cherche l’homme pour me battre; on m’a dit que vous êtes un bon et je voudrais en tâter un peu avec vous.

En entendant cette demande, Cadet saute sur la levée du fossé et d’un seul coup y enfonce sa bêche jusqu’à la poignée !

— C’est bien ! je suis votre homme. À quelle heure la rencontre, demain ?

— À sept heures du matin.

— Accepté. Donnez-moi la main en signe de consentement.

Les deux fiers-à-bras se crispent leurs dextres et Cadet Blondin, voyant pâlir son adversaire, lui répète plusieurs fois : À sept heures, demain, à sept heures ! Puis il tire sa révérence; et preuve qu’il avait serré un peu fort, c’est que son antagoniste avait la main réduite en charpie.

 

Demain, la suite de cette histoire.

La gravure est extraite de l’ouvrage de Benjamin Sulte, Histoire de Jos. Montferrand, L’athlète canadien, Montréal, Librairie Beauchemin, 1899, p. 73.

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