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Pas question de passer pour des «Conservateurs» !

Avant d’avoir son existence propre, l’Université de Montréal fut une succursale de l’Université Laval, de Québec, à Montréal. Cela dit, les étudiants montréalais savaient être mordants quand l’occasion leur était prêtée, peut-être même davantage que ceux de Québec.

À l’automne de 1888, le quotidien montréalais La Minerve, un journal appuyant le parti Conservateur à Ottawa, déménage, et ses locaux deviennent ceux de la faculté de droit de l’Université Laval à Montréal. Rapidement, les futurs avocats demandent qu’on enlève les enseignes de la devanture de l’édifice. Le Canadien du 24 novembre raconte ce qu’il appelle «Une spirituelle algarade».

On sait que la Minerve a dû évacuer les lieux qu’elle occupait sur la place Jacques-Cartier et qui appartiennent au gouvernement local, pour y laisser entrer la succursale de l’Université Laval. En prenant possession de ces vieux appartements, témoins de tant de joutes célèbres, mais qui, maintenant, ne doivent être habités que par la paix et la plus cordiale fraternité, nos jeunes gens ont demandé l’enlèvement de l’enseigne de la Minerve, qui traversait d’un côté à l’autre la façade de l’édifice. Ils ont fait la chose d’une manière si spirituelle que leur requête mérite la reproduction. Voici cette requête :

À M. le Vice-Recteur,

L’humble requête des étudiants en droit de cette université expose respectueusement :

Qu’ils appartiennent à différents partis politiques qui se divisent, dans la province, l’opinion publique et l’argent des contribuables;

Qu’un certain nombre d’entre eux sont rouges, et qu’un plus grand nombre sont souvent gris;

Que la bonne entente qui a toujours existé entre eux est sur le point d’être gravement troublée;

Qu’il semble qu’on veuille leur imposer une opinion politique contraire aux sentiments d’un grand nombre d’entre eux;

Que les deux énormes enseignes qui déparent le fronton de cet édifice sont de nature à jeter la discorde parmi les étudiants en Droit de l’Université Laval;

Que l’enseigne de la Minerve est de nature à compromettre plusieurs d’entre nous et que tous les étudiants de l’Université Laval ne l’aiment pas;

Qu’en outre la Minerve, déesse de la sagesse, n’est pas un emblême convenable pour le corps des étudiants en droit;

Que cette enseigne d’un journal quotidien politique compromet gravement notre dignité et notre réputation d’hommes pratiques et sérieux, et nous expose à passer pour des journalistes;

Que l’antipathie qui existe et a toujours existé entre les étudiants et le corps de police est un fait notoire;

Que les étudiants, dans les rencontres qui ont eu lieu, n’ont pas toujours eu le beau rôle, ce qui est pour nous un sujet d’humiliation;

Qu’il est temps que les rôles changent.

À ces causes, les requérants vous prient respectueusement d’ordonner que les enseignes de la Minerve [soient] enlevées immédiatement et remplacées par un tableau de grande diminution représentant un seul étudiant aux prises avec trois hommes de police qu’ils mettent en fuite et vos requérants cesseront de prier.

 

L’illustration des bureaux de La Minerve, quotidien montréalais, est parue dans le Canadian Illustrated News du 28 septembre 1878. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec au descripteur «Le Minerve (édifice)».

La Parti conservateur, sauf exception, n’a jamais eu la cote au Québec, sans doute parce que, depuis le début de la Confédération en 1867, il était au pouvoir au moment des pires crises qu’a vécues le Canada. Ici, nous sommes trois ans après la pendaison du chef Métis Louis Riel, un événement absolument triste et révoltant pour un grand nombre de Canadiens français.

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