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Ah, j’entends vos préoccupations

Voici venu le temps des labours. Vaut-il mieux un bœuf ou un cheval pour labourer ? Cessez de vous inquiéter, L’Étoile du Nord du 14 novembre 1889 sait vous répondre.

Les chevaux et les bœufs sont employés le plus au labourage. La nature de la terre, et encore plus l’usage des lieux, décident d’entre ces deux bêtes; car, dans les endroits où on laboure avec les bœufs, les chevaux sont ordinairement rares; ainsi, on emploie celui des animaux dont l’espèce est la plus commune.

Le bœuf laboure plus profondément, il est plus propre aux terres argileuses et fortes; il résiste plus au travail, il est moins sujet aux maladies, coûte moins cher en nourriture et en harnais; et, quand il est usé de fatigue et de vieillesse, il est encore bon à vendre et à manger; au lieu que le cheval usé n’offre plus de ressource.

Le bœuf, aussi, ne va qu’une fois le jour au même labourage; l’après-midi, il faut un autre attelage que celui qui travaille le matin; les mêmes chevaux vont matin et soir; de plus le cheval fait trois fois plus d’ouvrage, il est infiniment meilleur pour le charroi, et il est unique pour les voitures de toutes espèces; c’est l’animal le plus utile.

Quoiqu’il en soit, les bœufs doivent être accouplés à la charrue très serrement, afin qu’ils tirent également. En certains endroits, on leur met le joug aux cornes; attelés par le cou, ils ont beaucoup plus de force.

Les cultivateurs qui achètent ou qui élèvent de jeunes chevaux pour les revendre  à cinq ou six ans doivent toujours avoir deux attelages, au moins, l’un pour le matin, l’autre pour l’après-midi, pour les bien ménager et les conserver en chair et en bonne vente.

Les animaux qui servent au labourage doivent être choisis forts, d’un bon corsage, ni gras ni maigre, et être bien nourris et bien entretenus de bons harnais et convenant à leur taille; ils en font plus d’ouvrage, et ne seront pas exposés à être blessés par leur attelage.

 

Il est étonnant de voir que, dans les campagnes québécoises, certains cultivateurs attellent encore les bœufs par les cornes. Dans mon ouvrage Les Quatre Saisons dans la vallée du Saint-Laurent, j’écris à ce sujet :

La pratique de faire tirer les bœufs par les cornes remonte aux Égyptiens. Quatre mille ans avant Jésus-Christ, des bas-reliefs laissent voir un joug, ayant la forme d’une mince barre de bois, lié aux cornes de deux bovins. C’est le joug à cornes, le plus vieil attelage connu. En Espagne, au Portugal, dans le centre de la France et sur les rives de la Baltique, il subsistera jusqu’au 19e siècle. Ailleurs, cependant, on le remplacera petit à petit par le joug à garrot, s’apparentant au carcan et s’appuyant à la base du cou, sur le renflement de l’épine dorsale. Le joug à garrot permet à l’animal une plus grande force de trait.

Jusqu’en 1760, dans la vallée du Saint-Laurent, l’habitant préfère le mode égyptien pour atteler ses bœufs. L’ethnologue Robert-Lionel Séguin affirme que les nombreuses mentions de jougs relevées dans les actes notariés s’accompagnant invariablement de mentions de courroie à bœuf, «ce qui indique bel et bien des jougs à cornes». Le Finlandais Pehr Kalm écrit en 1749 que «les bœufs, ici, tirent par les cornes, tandis que, dans les provinces anglaises, c’est par le poitrail». Ce seront finalement les Anglais, après 1760, qui feront la promotion du joug à garrot. Et au début du 19e siècle, dans les foires agricoles, un habitant se présentera-t-il au concours de labour avec des bêtes attelées à un joug à cornes, qu’il sera pointé du doigt et s’exposera aux quolibets.

 

Le cheval dans le clos est une création du sculpteur québécois Émile Bluteau, de Wickham. Le voici dans son tout petit atelier.

 

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