Skip to content

«Les tours de force»

Que dire de ce texte d’un certain Max Villeneuve paru dans L’Écho des Bois-Francs du 19 septembre 1903 ? Je le laisse à votre jugement.

L’humanité a toujours eu un faible pour l’extraordinaire et la foule se passionne pour les tours de force des acrobates.

Il n’y a qu’à consulter l’histoire aux chapitres de l’amusement des grands enfants que sont les peuples, on verra qu’ils n’ont jamais manqué de ces prodiges.

Rappelons les plus fameux que nos annales aient enregistrés. Dans chaque ordre d’idée, on admira des phénomènes d’une force et d’une agilité invraisemblables. Les hommes forts existent depuis Samson pour ne pas parler d’Hercule. Samson étouffait les lions de Nubie en leur serrant les amygdales entre deux doigts. Dans l’armée de Charlemagne, un géant nommé Onother fut célèbre par la façon magistrale dont il abattait ses ennemis et les enfilait en brochette au bout de sa pique.

Un de ses camarades nommé Dupont chargé d’une reconnaissance dans le camp de l’adversaire enleva une des sentinelles, la chargea sur son dos et la ramena à son général.

Payne, géant anglais, gravissait en courant une colline abrupte avec un homme sous chaque bras. Menant un jour à la ville un âne chargé de bois qui refusait d’avancer, il le mit sur son dos avec son chargement et entra ainsi d’un pas lent.

Un lord anglais de biceps solides, lui aussi et facétieux, ayant vu sommeiller dans sa guérite un veilleur de nuit, souleva fort délicatement la guérite et son contenu, puis alla les déposer au faîte du mur d’un cimetière. On devine le réveil plutôt effarant du veilleur. Un Allemand nommé Topham brisait comme de la ficelle des cordes de 5 cent de diamètre [sic] et tenant 400 kilos à bras tendu.

Le bûcheron auvergnat Lapida porta sur son dos une charretée de foin, y compris la voiture et le cheval et rien qu’en riant brisait vitres [sic]. C’est lui qui un jour fit évanouir un de ses amis en lui posant la main sur l’épaule.

Le maréchal de Saxe rompait entre ses doigts des fers de chevaux. Il s’amusait un jour à en briser six à un forgeron en lui disant que sa marchandise était mauvaise. Le forgeron, au moment de se faire payer, brisa entre ses doigts les six pièces d’argent qu’il reçut. Maurice de Saxe avait trouvé son maître.

On se souvient de l’Homme Canon qui tenait entre ses dents une pièce d’artillerie pendant qu’on y mettait le feu, et de cet autre, surnommé de même, qui arrêtait les boulets au passage. […]

On n’a pas oublié l’Homme Obus qui se faisait projeter dans les airs par la détente d’un énorme ressort à boudins dissimulé dans la gueule d’un canon et accompagné d’une explosion de poudre.

L’homme qui marche actuellement sur la tête eut des devanciers; on vit ainsi deux Américains dont le principal tour de force consistait à se tenir l’un au-dessus de l’autre en une ligne verticale commençant et finissant par des pieds. Ils prenaient un repas en cette peu banale position et l’affiche portait : «Le véritable repas en tête à tête…»

Que dire aussi de l’Homme Mouche qu’on vit en 1860 marcher le long des murs le plus aisément du monde. On lui attribua des semelles pneumatiques en forme de ventouses. On l’accusa de truquage. On ne sut jamais le fin mot de cet exercice, le plus étrange qui fut jamais.

L’Homme Singe amusa beaucoup. Pendant la représentation, il grimpait le long des colonnes d’avant-scène, se promenait sur les balustrades et retombait du poulailler sur la scène.

Dans un autre ordre d’idée, Lurline, la reine des eaux, fit sous l’Empire courir tout Paris. Elle séjournait trois minutes sous l’eau. Son grand rival fut l’Homme Poisson qui fumait sous l’eau. […]

L’audace humaine semble n’avoir pas de limites et plus ses tentatives sont baroques, plus elles sont assurées du succès.

 

L’illustration est la page couverture d’un livre à colorier non paginé, Les Sportifs, des Éditions de l’Axe (Drummondville), sans date, C 1911.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS