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Le retour de l’été, le retour de la villégiature

Je l’ai répété à quelques reprises sur ce site : lorsqu’arrive le mois de juin, voilà que s’ouvre la saison de la villégiature. Le journal La Patrie, du 2 juin 1906, fait toute la page une avec ce texte.

La villégiature est aujourd’hui complètement entrée dans nos mœurs. Avec le progrès, le développement de l’industrie et du commerce, les grandes villes se sont surpeuplées, le bon air est devenu plus rare, et, partant aux jours de la belle saison, le citadin a tourné les regards vers la campagne, cette source constante de la santé et d’une multitude de jouissances matérielles et de consolations morales.

Au Canada, avec notre hiver rigoureux — qui nous afflige, disent les Européens, et que nous, Canadiens, nous bénissons à deux genoux parce qu’il nous apporte la santé, donne de la fertilité à notre sol, aide nos exploitations forestières — les chaleurs de l’été oppressent d’autant plus la population des villes que, pendant la saison froide, l’air est pur, sec et vif.

Aussi, au temps chaud, courons-nous à la campagne.

D’ailleurs, nous tenons de race encore, et ce n’est pas une couple de siècles qui pourraient affecter cet atavisme, fils de travailleurs des champs, de coureurs des bois, nous aimons tous, en général, le grand air et nous avons chacun dans un petit coin de notre cœur une affection profonde pour la grande nature, la vue des prés verts caléidoscopiquement piqués de nos gentilles petites fleurs sauvages, de ces coteaux verdoyants plantés de nos arbres majestueux comme l’orme ou le pin, de nos gazouillants cours d’eau dont le bruit a charmé — j’en suis sûr — la flânerie ou la lecture de plus d’un d’entre vous.

Aussi est-ce vers nos places d’eau que se dirige de préférence tout ce courant de citadins en quête d’air pur. Autour de Montréal, on n’a que l’embarras du choix; c’est depuis Sorel jusqu’à Montréal : Verchères, Varennes, Boucherville, Lanoraie, Longueuil, Bout de l’Ile, etc.; c’est en amont les rives enchanteresses des lacs Saint-Louis et Saint-François, le confluent de l’Ottawa avec le Saint-Laurent, Vaudreuil, Sainte-Anne, Pointe-Claire, Beauharnois, Châteauguay, etc. Je nomme ces localités au hasard de la plume et, connaissant la chatouilleuse et très légitime susceptibilité des citoyens de ces différents endroits je me garderai bien d’en vanter les charmes respectifs.

Au reste, je suis sûr que si, dans un examen de conscience, nous avions décidément à faire un choix, notre préférence irait tout droit vers le petit village qui nous vit naître, pour le hameau qui fût témoin de nos premières années, les plus belles de la vie. Retournez au village natal et dites-moi si vous pouvez, d’un œil absolument sec, sans un petit serrement de la gorge, sans une légère oppression de la poitrine, porter vos regards et vos réflexions sur la grande route poussiéreuse, dont vous éleviez des nuages par vos courses à pieds nus avec les bambins de votre âge, sur les pins séculaires qui vous chantent toujours la même douce chanson, sur le vieux clocher au toit de fer blanc rouillé, d’où retentit plus d’un Angelus qui vous rappelait au foyer dans vos courses au bois. La patrie, quoi qu’en disent les sceptiques, n’est pas un vain mot : c’est cette grande route, ces vieux pins, ce modeste clocher, c’est cette larme qui vous humecte le coin de l’œil malgré vous, lorsque se déroule à votre souvenir tout un passé si récent et déjà si loin.

C’est cette idée, qui peut paraître un peu trop sentimentale, qu’on retrouve au fond de notre besoin de villégiature.

Malheureusement une ombre vient s’ajouter au tableau : c’est que la villégiature n’est, en général, que pour les gens riches. Le pauvre en est absolument privé, et le salarié ne peut s’en payer que rarement.

Cette déplorable considération ne devrait-elle pas engager nos corps publics, nos classes dirigeantes, nos autorités pour donner aux villes, et en particulier à la nôtre, tous les avantages hygiéniques et salutaires qu’il soit possible de donner ?

Épurons l’eau, agrandissons nos parcs, installons-en de nouveaux, ornons-les plus profusément de fleurs et d’arbres, surveillons nos routes, protégeons nos coins de verdure et d’ombrage, faisons plus d’air autour de nous, pour que tous, pauvres comme riches, bourgeois comme salariés, patrons comme travailleurs, tous puissent respirer librement de toutes les forces des poumons.

Sinon, pour nous-mêmes, ayons du moins l’altruisme de l’enfant; protégeons-le de toutes manières et n’oublions pas, si nous voulons d’une race forte, qu’il est l’homme de demain. Prenons pour devise l’exclamation : De l’eau, de l’air, de la lumière !

On ne saurait faire de plus beau, de plus pratique patriotisme.

 

La photographie, comme d’autres s’y rapprochant et que j’utilise à l’occasion, a une histoire. Durant les années 1970, une employée du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche me téléphone. Je n’ai pas retenu son nom, malheureusement. « Vous ne me connaissez pas. Je sais que vous êtes historien. Nous mettrons sous peu au rebut un certain nombre de photographies noir et blanc, de format 8’’ X 10 ‘’, qui ne nous seront plus utiles. Si la chose vous intéresse, passez les chercher. » J’accours.

Cette photographie, prise il y a donc une quarantaine d’années au moins, faisait partie du lot. À l’endos, il y a la marque d’un tampon de couleur noire où il est écrit : Gouvernement du Québec. Gracieuseté de la Direction générale du tourisme. Courtesy of Tourist branch. Et c’est écrit : «Bas-St-Laurent (entre St-Benoît et St-Eusèbe)».

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Sandrina Henneghien #

    Vous n’en auriez pas par hasard du lac de Saint-Augustin-de-Desmaures ? Depuis l’année dernière je vais chercher la tranquillité de mère Nature au lac Saint-Augustin dans le très ancien camping chalet Juneau qui existe depuis 1920 et entretenu par la famille Juneau depuis maintenant cinq générations. Je me suis fait raconter l’histoire de ce lieu par le grand-père et qui a toujours une petite anecdote nouvelle du temps passé à nous raconter. Comme ce camping est dans une érablière, on a même l’occasion de se sucrer le bec en été et chaque jour de visiter la cabane à sucre. J’ai cherché, mais actuellement en vain, des photographies du temps passé de cet endroit. Même si aujourd’hui ce camping porte l’image des temps modernes, mon imaginaire se plaît quelques fois de voir débarquer d’une voiture à cheval un couple venu louer une barque pour se promener sur le lac un beau dimanche ensoleillé ou quelque voyageur prendre possession d’une chambre de l’hôtel qui occupait la maison familiale. Le vieux pépère qui a maintenant 91 ans est plus agréable et amusant à écouter que mes voisins de chalet. Mais je n’ose trop lui poser de questions car même s’il adore nous raconter la vie de sa terre, je vois très bien dans ses yeux la tristesse que cause sa nostalgie. Je l’apprécie trop pour éviter de le faire pleurer.

    6 juin 2013
  2. Jean Provencher #

    Malheureusement, chère Sandrina, je n’ai rien sur le lac de Saint-Augustin-de-Desmaures.

    6 juin 2013

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