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L’Éternel Séjour

Non, mais, parlons-nous franchement. Constat tout d’abord. Le propos est important, il porte sur les fins dernières. Beaucoup d’entre nous espérons un Paradis après cette histoire présente; on n’arrive mal à se faire à l’idée que tout serait bien complètement terminé — FINI N I NI — à notre départ d’ici.

Et puis question : Qui s’est permis cet écrit dans La Tribune, de Saint-Hyacinthe, le 13 mars 1891 ? À peu près jamais les textes ne sont signés dans la presse de cette époque. Or — on nous l’apprend en histoire — déjà une signature permet de se faire une tête. Sur la fiabilité du propos, de celui qui rapporte. Sur les croyances, les tendances de celui qui écrit.

Mais voilà, personne ici n’a signé. Chose certaine, il faut qu’il soit Judéo-chrétien. Or, les Autochtones de l’Amérique du Nord ne sont pas des enfants de Judéo-chrétiens, du moins ceux antérieurs à la venue des missionnaires européens, la croix portée à la main à bout de bras.

Celui qui écrit ici est donc enfant d’Europe, il n’est pas enfant de Sauvage. Prière donc d’en tenir compte.

Son propos a pour titre Le paradis des sauvages.

 

Les anciens sauvages de l’Amérique croyaient à l’existence d’un pays lointain qu’ils appelaient «le pays des ancêtres» où les âmes des morts allaient se reposer après leur séparation des corps qu’elles avaient animés durant leur séjour sur la terre.

Ce pays, suivant la tradition des sauvages, se trouve dans l’Ouest, d’où, disent-ils, ils ont émigré. [ce qui n’est pas fou quand on pense que nos Autochtones sont arrivés en traversant le détroit de Behring, séparant la Sibérie orientale de l’Alaska.]

Après la mort, l’âme ou l’esprit du défunt doit se rendre dans un pays après un long et pénible voyage : il lui faut gravir de hautes montagnes, traverser de nombreuses rivières, et en un mot parcourir la route triste et désolée d’une contrée inconnue.

Mais là ne se borne pas les peines et les fatigues de la pauvre âme qui retourne dans sa patrie.

À peine commence-t-elle à entrevoir le terme de son voyage, qu’elle se trouve en face de nouveaux obstacles. Aussitôt qu’elle se croit sur le point d’entrer dans le Ciel, elle se trouve en face d’une rivière traversée par un pont étroit et qu’elle doit franchir.

Mais ce n’est pas là la plus grande difficulté : ce pont est gardé par un chien monstrueux auquel il lui faut disputer le passage.

Si cette pauvre âme n’est pas forte, si la vertu ne l’a pas rendue vigoureuse, elle succombe dans la lutte et le monstre carnassier la fait tomber dans les flots qui coulent avec impétuosité sous le pont.

Elle est alors emportée par le torrent qui la conduit dans de sombres précipices où elle est engloutie pour toujours. Telle était la croyance de la plupart des anciennes tribus qui habitaient le sol de l’Amérique lors de sa découverte et elle est encore le partage des peuplades qui n’ont pas encore embrassé les lumières de l’Évangile.

D’autres tribus ont une autre manière d’envisager la vie future. Suivant elles, la grande bande blanche que nous voyons au firmament et que nous nommons la «Voie Lactée» n’est rien autre chose que le chemin des âmes.

Les plus grands points blancs que l’on aperçoit dans cette route sont des âmes qui se dirigent vers l’éternel séjour; les points les plus petits sont des chiens, des chats, des oiseaux et autres animaux favoris qui accompagnent leur maître dans leur voyage du temps à l’éternité.

Il existe encore d’autres croyances non moins absurdes, parmi certaines nations sauvages de la Colombie anglaise, telle que les Shanakons.

Ces sauvages croient que tous les visages pâles sont irrévocablement condamnés à être privés après leur mort des joies de l’éternel séjour et que leurs âmes descendent dans les profondeurs de la terre où elles sont condamnées à mener la plus triste existence.

Quelques tribus du Mexique et de l’Arizona croient que l’âme est emportée dans la lune par un chien noir à la tête de singe et à la face de hibou.

À son arrivée sur les bords de la planète, l’âme trouve toute la cohorte de ses ancêtres qui viennent à sa rencontre, montés sur des singes blancs pour la conduire au lieu du suprême séjour.

Après s’être reconnues, toutes se mettent en route pour le centre de la lune où désormais elle devra habiter au milieu des jouissances sans fin et où règne une félicité sans mélange.

Au milieu de ce dédale d’erreurs et d’absurdités, on distingue encore deux dogmes importants qui se sont toujours conservés dans le cœur de l’homme : celui de l’immortalité de l’âme et de la récompense de la vertu après cette vie.

 

L’image ci-haut est la représentation du Paradis selon le «peintre des Anges», Judéo-chrétien bien sûr, Fra Angelico (ca 1400-1455). On trouvera sa création sur le Paradis au Musée de saint Marc, à Florence.

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