Skip to content

L’automne rend bavard

Un jour, il nous faudra bien une anthologie de textes sur l’automne québécois. Il fait tant parler. Paulette Collet a déjà publié L’hiver dans le roman canadien-français (Presses de l’Université Laval, 1965). Il y aurait place maintenant pour un nouvel ouvrage, L’automne dans le discours des chroniqueurs québécois.

En voici un de Québec, Philéas Huot, qui se lance dans l’Album universel du 14 novembre 1903.

 

L’automne nous arrive avec ses prés jaunis, aux nuances indécises, qui ne disent rien à l’imagination, et que la faulx, tranchante et claire, a tondu presque jusqu’au sol.

Les champs sont devenus silencieux et mornes; la gente des oiseaux nous ayant laissés pour des climats plus doux.

Écoutons, cependant, dans les branches, la marche funèbre des bises glaciales, qui dessèchent tout sur leur passage.

Le chien, dans sa niche, fait entendre de sourds et soupçonneux grognements; il n’aboie plus en courant au-devant de son maître, comme il le faisait naguère, le matin d’un beau jour, lorsque celui-ci apparaissait, joyeux, sur la glèbe fleurie. L’instinct lui dit qu’il se passe quelque chose d’inusité dans la nature.

Les bâtiments qui renferment la moisson se cadenassent; pendant que la girouette, sur le toit, fait entendre ses refrains criards et monotones.

Agneaux et brebis, aux blanches toisons, jettent aux échos d’alentour leur voix grêle et cassée, et regagnent, comme une mer houleuse, la bergerie bondée des provisions. Et l’on perçoit du fond des étables la voix dolente des bestiaux de toutes tailles, pendant que le coq, chef de file du poulailler, chante, d’une voix de contre-basse, les ennuis de sa captivité. Les laboureurs poussent sous «la remise» les instruments agricoles : tombereaux, fourgons, faneuses et charrues.

On dirait les marins d’un vaisseau, qui, hier encore, sur la dunette, en face d’un ciel serein, devisaient gaiement entre eux, et qui, tout à coup, apercevant un noir nuage à l’horizon, amènent les voiles, consultent le compas, se préparant ainsi à recevoir bien la tempête, qui s’avance, là-bas, accompagnée de foudres et d’éclairs.

Et, comme pour donner un ton plus lugubre à la scène, novembre entonne son glas funèbre aux clochers de toutes les églises.

C’est le mois des morts, le mois consacré à ceux qui sont allés où il n’y a plus d’âge, ni de mois, ni d’années; à ceux qui furent nos proches, nos voisins, nos amis, et dont le souvenir évoque au fond de nos cœurs la vivante image.

 

J’ignore qui est ce Philéas Huot, à la fort belle plume. En voici un autre complètement tombé dans l’oubli. Passé entre les craques du plancher. Pourtant il s’est battu pour que son nom apparaisse au pied de ses articles. Durant le dernier quart du 19e siècle et au début du 20e, je le retrouve chroniqueur dans les journaux à l’occasion. À Québec, je vois un Philéas Huot admis au notariat en 1864. Et, dans l’annuaire des rues de la ville de Québec pour l’année 1866-1867, j’ai un L. Philéas Huot, «notary», au 12 rue Craig, aujourd’hui rue du Pont, dans le faubourg Saint-Roch. Ce pourrait être l’oiseau que je cherche.

La girouette ci-haut est une création du sculpteur Édouard McCann, de Sillery.

 

 

6 commentaires Publier un commentaire
  1. Ah! En effet, quelle belle plume! Celle d’un oiseau rare et précieux !
    Quant à l’anthologie sur l’automne québécois… je vous y verrais bien ;-) tant à l’écriture de vos propres observations qu’à la collecte d’autres beautés dans le genre!
    Bonne saison :-)

    9 novembre 2012
  2. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, Karo, mais me faut gagner mon pain quotidien. Ce ne pourrait être qu’un travail en dilettante. Et ce site me demande une demi-journée par jour.

    9 novembre 2012
  3. :-) Je comprends tout à fait… Mais, ne sait-on jamais, une commande venue du ciel en ce sens et qui serait le gagne pain quotidien le temps de le faire hihihiiii.

    12 novembre 2012
  4. Jean Provencher #

    Ah, là, je ne dirais pas non ! C’est certain.

    13 novembre 2012

Trackbacks & Pingbacks

  1. À la «cabane», il y a bien 140 ans | Les Quatre Saisons
  2. L’hiver aussi rend bavard | Les Quatre Saisons

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS