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La crinoline reviendra-t-elle ?

Étrange. À la fin du 19e siècle et au début du 20e, sporadiquement, la rumeur se remet à courir. On craint le retour de la crinoline. Et, à chaque fois, la presse en fait un plat, cherchant à démolir ce vêtement. Mais jamais on n’arrive à savoir pourquoi cette si grande aversion des journaux pour la crinoline.

Je me rappelle que, durant les années 1950, la crinoline est réapparue pour un temps, mais personne n’en fit d’ulcères d’estomac. Libre à la dame qui voulait la porter de la porter. On ne se moquait pas d’elle. Ce n’était pas la crinoline spectaculaire du 19e siècle, mais elle arrivait à «bouffer» la robe. Pourquoi, dès lors, déteste-t-on tellement la crinoline en 1900 ?

Voici le chroniqueur A. Beauchamp, dans l’Album universel du 11 novembre 1905, qui tape à son tour sur le clou.

M. Auguste Person, le pseudo-inventeur de la crinoline, est mort; mort et enterré. Paix à ses cendres.

Que si quelques-unes des rares admiratrices de ce défunt roi de la mode se mettaient en tête de lui élever un monument, je suggère de suite qu’on construise une cloche de fer; qu’on flanque dessous sa statue et que sur le métal on grave cette épitaphe :

Person gît
Sous c’te colline,
D’où surgit
La crinoline

Mais c’est qu’on parle encore du retour de la crinoline ! C’est de la folie alors !

Il faut pourtant de la bravoure pour se risquer à lancer cette mode ressuscitée, fantôme d’un autre âge. Deux élégantes américaines en ont fait cet été la peu glorieuse expérience. Miss Tucker et Miss Herbert, deux jeunes et jolies femmes de Pittsburg, ayant toujours à leur actif le lancement d’originalités de la mode, sont sorties un beau matin du mois d’août dernier vêtues d’énormes crinolines, trouvées sans doute dans un vieux placard et ayant appartenu à leur grand’mère. Une foule railleuse leur fit vite escorte; elles voulurent y échapper en entrant dans un magasin à portes tournantes, mais ne purent y pénétrer, les portes n’étant pas assez larges pour livrer le passage.

Les lazzi de la foule redoublèrent et le commerçant venu s’enquérir de cet attroupement considérable, pria ces dames de s’éloigner, mais les deux infortunées fashionables ne pouvaient pas plus avancer que reculer, tant la foule s’augmentait. Il fallut téléphoner à la police pour faire disperser la multitude et accompagner les deux victimes de la mode qui, rentrées chez elles, démolirent avec fureur leur encombrantes toilettes et brûlèrent ce qu’elles avaient adoré deux heures avant.

La crinoline est pour le moins redoutée autant en Angleterre qu’aux États-Unis et au Canada.

À Londres, le projet d’un tailleur parisien de revenir à cette mode a provoqué quelque émotion et la fondation d’un ligue nouvelle : «No crinoline league».

Des femmes se sont dressées partout dans les rangs de la société, ladies, femmes de lettres, bourgeoises, actrices, pour protester bien haut que jamais, sous aucun prétexte, elles ne consentiraient à s’affubler de ces atours, qui faisaient ressembler nos mères ou grand’mères à des ballons renversés.

Dans cette tempête d’indignation est née la nouvelle ligue. Sous les serments les plus solennels, les membres s’engagent à ne jamais porter la crinoline quel que soit l’engouement qu’elle rencontre à Paris, à Vienne ou à Berlin…

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