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Une peur bleue de la crinoline chez les hommes

Étonnamment, en 1905, les hommes québécois craignent comme la peste le retour de la crinoline. Voyez, par exemple, le discours du journaliste A. Beauchamp dans L’Album universel du 29 juillet 1905.

J’ignore ce qu’on a pu faire aux femmes pour qu’elles nous menacent d’une aussi terrible revanche. La paix de l’homme, qui est déjà soumise à tant d’épreuves, serait vouée à une perdition complète et le règne de la terreur rétabli sur la terre. Des hommes se faisant leurs complices — oh, les misérables ! —  trahissant sans remords leurs semblables, ont inspiré aux femmes la plus noire des infamies, en leur signalant un nouvel instrument de supplice pour nous torturer.

Hommes, écoutez cette sentence :

«Tout a été préparé dans la fabrication des robes depuis quelques années en vue de l’introduction prochaine de la crinoline dans la toilette féminine…»

Déclaration faite récemment par un grand couturier de France — naturellement.

Ainsi vous avez bien lu : la crinoline ! La crinoline, cette monstrueuse laideur, qui tient de la robe et de la tente, qui est à l’élégance ce que la barbe serait à la beauté des femmes. C’est cette horreur d’un autre âge qu’on songe à nous octroyer aujourd’hui avec les singeries de la mode. Oh, on n’y est pas allé tout d’un coup. On craignait sans doute une révolte certaine. Il y a plusieurs années que l’on y songe, que l’on prépare l’évolution, qui devait se faire lentement et timidement, pour ne pas éveiller les soupçons.

Mais on s’est donné vraiment trop de peine. L’homme n’a rien vu, rien compris. Il n’ouvrira les yeux que lorsque l’envahissement sera complet, alors que ne trouvant plus de place dans les tramways, ni les wagons, il sera forcé de marcher ou d’occuper le char fumoir. Sur la rue, il choisira la chaussée, pour laisser le champ libre à sa digne moitié, dont la cage ondulante et ballotante garnira amplement le trottoir.

Partout, à l’église, au théâtre, ce sera l’encombrement insolent de ces «cloches à pattes», qui furent en honneur sous Louis XV et plus tard sous Napoléon III. Il s’en trouvera, peut-être, pour défendre la crinoline en plein 20e siècle, et déjà les gredins de couturiers aux abois la proclament le dernier mot de l’élégance, mais Dieu nous garde des crinolines et des ballons.

 

Quatre mois plus tard, voyez le discours que tient Beauchamp à la mort de celui qui a prôné le retour de la crinoline.

L’illustration provient de la page Wikipédia consacrée à la crinoline.

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