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Tant de noyades !

Quand j’ai entrepris cette longue recherche dans la presse québécoise sur la vie de tous les jours au début du 20e siècle, je ne soupçonnais absolument pas que je me buterais à un très grand nombre de noyades. Étant si facile à apprendre à nager, il me semblait qu’une grande partie de la population pouvait prendre plaisir à la baignade.

Mais qu’importe le lieu, les noyades n’ont de cesse à partir du début de mai et jusqu’en septembre. C’est incroyable. Voyez, par exemple, de qu’écrit le Quotidien de Lévis, le 4 août 1894 :

L’onde perfide fait quelques victimes tous les jours, et si nous collectionnions toutes celles mentionnées par les journaux des autres villes du Dominion, il y aurait matière à une chronique funèbre de plusieurs colonnes. Sur 36 enquêtes que le coroner a tenues depuis le 1er mai, 14 étaient sur des cas de noyade.

 

Et ce journaliste ne parle que de la ville de Lévis et de ses environs. Le 1er août 1903, un des journalistes de l’Album universel, Léon Ledieu [1845-1907], écrit :

On n’entend parler que de noyades. Tous les ans, c’est la même chose, me direz-vous. C’est vrai, mais s’il est difficile d’enseigner la prudence et surtout la pratiquer, n’est-il pas possible d’instruire notre population sur les moyens à employer pour tenter de ramener la vie chez les malheureuses victimes que l’on retire de l’eau, et que l’on abandonne trop souvent à leur sort parce que l’on ne sait pas assez comment s’y prendre.

Je voudrais que l’on fît, chaque année, dans toutes les écoles, avant les vacances, un petit cours théorique et pratique sur les moyens à porter secours aux noyés.

J’ai préparé dans ce but une petite brochure, une simple compilation que je vais proposer au gouvernement et au conseil de l’Instruction publique, pour être mise entre les mains des instituteurs et institutrices de la province.

Si nos gouvernants n’en veulent pas, j’en serai pour mes frais, mais ils auront tort.

 

À quand une histoire de la natation au Québec ? Peut-être découvrira-t-on que ce n’est qu’au 20e siècle que nous avons appris à nager grâce à la mise en place de piscines publiques et à l’engagement de monitrices et de moniteurs regroupé-e-s dans un organisme comme l’Œuvre des terrains de jeux, l’OTJ créée en 1927. Et, pour faire suite aux propos de ce Ledieu, sans doute qu’une institution comme l’Ambulance Saint-Jean, fondée d’abord à Québec en 1883, a permis de sauver un grand nombre de personnes de la noyade. Qui sait. Voilà un nouveau sujet de recherche en histoire au Québec.

11 commentaires Publier un commentaire
  1. sylvie pontbriand #

    Oh! Que de souvenirs votre texte fait remonter. Plusieurs récits familiaux parlaient de noyades. Mon arrière grand-mère maternelle et sa soeur, en route pour un pèlerinage au Cap de la madeleine, se sont noyées lorsque leur voiture sur le traversier de Ste-Angèle a glissée dans le fleuve, ma grand-Mère a juste eu le temps de sauter de la voiture . J’ai retrouvé trace de ce drame dans les archives de La Patrie. Mon arrière arrière grand-père paternel s’est noyé lors du naufrage du bateau sur lequel il travaillait ,toujours dans le fleuve St-Laurent à hauteur de Berthier. Il y a trace de ce naufrage dans un journal anglais du 19ème siècle. J’ai eu connaissance de mon père qui a sauvé une cousine de la noyade et de mon frère qui a lui aussi sauvé une jeune fille dans la rivière St-François.
    Je sais nager depuis mon jeune âge et ma mère l’avait appris à 50 ans.

    5 août 2012
  2. Jean Provencher #

    Merci infiniment, chère Vous, de ce témoignage bien impressionnant. Je n’ai pas souvenir de noyades dans ma famille propre, mais, à lire les journaux du début du 20e siècle, j’ai l’impression que nous arriverions à retracer des noyades dans chacune de nos familles.

    5 août 2012
  3. Louise #

    Bonjour!

    Un noyé sur la rive du Saint-Laurent en 1747.

    Le 27 juin 1747, à la paroisse Saint-Antoine-de-Pades de Longueuil, on enterra « le corps d’un homme noyé dans le Sault St-Louis, trouvé vis-à-vis de l’habitation de la veuve Trutaut vêtu d’une chemise et culotte de toile du pays, d’un gilet de carisée, d’un capot d’étoffe grise du pays, on lui a trouvé un sac a plomb et un couteau jaune, sa chevelure noire et longue »1.

    La « veuve Trutaut » c’est Marie-Madeleine Loiselle (1684-1748) épouse de feu Charles Truteau (1684-1742), l’un des 13 fils d’Étienne et d’Adrienne Barbier. En 1709, Étienne avait baillé à Charles ses habitation et terre de Longueuil. L’année suivante, Charles invitera Marie-Madeleine à « user un drap de lin » avec lui, comme disait ma grand-mère. En 1717, au moment du partage de la succession paternelle, Charles réussit à préserver le patrimoine de Longueuil dont il doublera la superficie au cours de sa vie.

    C’est ainsi, devant la propriété ancestrale d’Étienne Truteau, qu’un noyé s’échoua à Longueuil, en juin 1747. Le 31 juillet suivant, la veuve de Charles cédait à leurs huit enfants la totalité de la ferme ancestrale, à charge de prendre soin d’elle jusqu’à son décès. À partir de ce moment, le morcellement débutera.

    Votre article m’a rappelé l’épisode du noyé de Longueuil, peut-être tombé d’un canot d’écorce au retour de l’Ouest, que j’espère vous apprécierez.

    Bien cordialement!

    1 Source: Lexique illustré du costume en Nouvelle-France, 1740-1760, Chambly, La fleur de lyse, 1995, p.58.

    6 août 2012
  4. Jean Provencher #

    Triste épisode, encore une fois, chère Vous. Mon ami Denys Delâge me dit que les Amérindiens savaient nager et qu’ils ont appris aux Français la natation, à ceux qui voulaient l’apprendre bien sûr. L’explorateur Jean Nicolet s’est noyé devant Québec, de retour d’une ses courses en Amérique. Jamais il ne s’était soucié d’apprendre à nager.

    6 août 2012
  5. Mildred #

    Cher Vous, l’été avec maman le dimanche on allait à la mer.Pour elle native de St-Octave de Métis la mer était une réalitée concrète.Pour mon père paysant du nord-est de la rivière,au fin fond du rang, la mer c’était de l’eau beaucoup trop froide pour s’y tremper guerre plus que le mollet.Maman nous a donner le goût de partir sur ces flots infinis .Personne de notre famille ,même lointaine, n’est jamais mort de noyade.Même mon arrière grand père pilote sur le St-Laurent ne savait pas nager de même que mon père et la plupart de mes frères et soeurs.Enfants au bord du petit lac nous avions bien trop peur de se noyer pour s’approcher de l’eau, alors je capturais des papillons….

    6 août 2012
  6. Jean Provencher #

    Bien sage étiez-vous alors, chère Vous, de préférer la chasse aux papillons si l’eau risquait d’être une ennemie ! Pour votre course aux papillons, il devait sûrement y avoir des herbes hautes.

    6 août 2012
  7. Mildred #

    Cher Vous, j’avais peur des sangsues , je préférais les ailes jaune et noir des papillons; nous avions un chalet au petit lac et en fait j’ai appris a nager avec mon fils de deux ans; l’été il y avait toujours beaucoup de noyade car beaucoup de lacs et personne qui savait nager.

    7 août 2012
  8. Jean Provencher #

    Ah j’aurais bien aimé être caché et vous voir, chère Vous, apprendre à nager avec votre fils de deux ans.

    C’est vrai que les sangsues n’ont rien de très attrayant. J’allais pêcher, étant jeune, avec des copains, à la rivière Godefroy, sur la rive sud, en face de Trois-Rivières. Et il nous arrivait d’attraper de pauvres poissons en train d’être victimes en même temps de sangsues. Pour être franc, j’avais le sentiment que nous ajoutions bien sûr à leur malheur, sangsues nous-mêmes.

    7 août 2012
  9. Louise #

    Je suis curieuse de savoir où Denys Delâge puise ses informations.

    7 août 2012
  10. Jean Provencher #

    Il va falloir que je m’en informe, chère Vous. Chose certaine, Denys travaille sur et avec les Amérindiens depuis de très nombreuses années. Et il a publié au Boréal un ouvrage capital : Le Pays renversé (http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/pays-renverse-384.html).

    7 août 2012

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  1. Les noyades si nombreuses | Les Quatre Saisons

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