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La descente du bois jusqu’à Québec

Pendant de très nombreuses années, pour mener le bois de l’Ontario et de la région de l’Outaouais jusqu’à Québec, on le réunit en cages. Ainsi appelle-t-on ces immenses radeaux, qui seront démembrés rendus dans la capitale.  L’opération est spectaculaire et, de temps à autre, les journaux aiment s’y arrêter. Le 15 juillet 1905, le journal La Patrie en fait sa une sous le titre La descente des rapides sur radeaux.

 

L’exploitation forestière est l’une des principales sources de revenus de la province de Québec. Il y a dans cette province environ 150 millions d’acres en forêt. Et, en 1904, la Couronne n’avait encore concédé que 58, 605 milles carrés de limites à bois.

On évalue de 45,000 à 50,000 le nombre de bûcherons qui, chaque hiver, travaillent dans nos forêts pour le compte des commerçants de bois.

Selon le recensement de 1901, la consommation domestique des différentes essences de bois s’est élevée, cette année-là, à 1,549,820,216 pieds. Actuellement, on coupe dans la province de Québec de 720,000 à 750,000 cordes de bois à pulpe (épinette) par an, 400,000 à 450,000 de ces cordes sont exportées aux États-Unis.

Pour l’année fiscale qui a pris fin le 30 juin 1903, les exportations canadiennes de bois de toutes sortes se sont élevées à la jolie somme de $36,313,183.

Mais nous n’avons pas à faire ici une étude sur l’exploitation forestière au Canada. C’est du transport du bois et, particulièrement, du saut des rapides sur radeaux que nous devons parler.

C’est près de l’île aux Jardins, non loin de Prescott [en Ontario, entre Kingston et Cornwall, sur le fleuve Saint-Laurent], que les hommes de cages forment les immenses trains de bois qui doivent être conduits à Québec.

Là-bas, on rassemble les troncs d’arbre, on en fait des «cages», des trains, ou des radeaux plus longs que larges (50 pieds de largeur par 150 de longueur environ), plus flexibles qu’on ne le croirait à voir leur énormité, capables de s’infléchir un brin avec les sinuosités du fleuve, et, les radeaux prêts, les «cageux» les guident d’une main ferme, d’une vue nette et d’un cœur intrépide, à travers les rapides bouillonnants qui se succèdent jusqu’à Lachine : les rapides du Long Saut, du Côteau, des Cèdres, des Cascades et de Lachine.

Quand on voit un des ces vastes trains de bois descendre majestueusement l’un des puissants tributaires du Saint-Laurent, et ce fleuve lui-même, on peut se dire : c’est un pan de forêt qu’on a couché par terre. Ces trains destinés à être transportés de Québec en Europe à bord des steamers sont composés de pin, de chêne, d’érable, etc. Chacun d’eux peut être évalué à $150,000 en moyenne.

Les billots sont reliés les uns aux autres à l’aide de branches d’arbre, mais, avant de les engager dans les rapides, on les consolide avec des câbles.

Sur les radeaux, se trouvent une chaloupe et une cabane de planches brutes dans laquelle le cuisinier du bord confectionne la soupe aux pois et les plats substantiels de lard et de «fèves».

Chaque train est monté par une vingtaine d’hommes, solides compagnons que n’effraie pas le danger. Ce sont, ordinairement, seize rameurs, un guide, un contremaître, un second et un cuisinier.

Le premier rapide que rencontrent les trains de bois, après leur départ de l’île aux Jardins, est celui du Long Saut. À leur approche, des sauvages de Saint-Régis, avertis d’avance, vont à leur rencontre pour en prendre la direction. Les cages sont séparées les unes des autres et sautent les rapides l’une après l’autre.

Le saut des rapides du Côteau, des Cèdres et des Cascades se fait sous la direction de Canadiens de Saint-Zotique, qui demeurent à bord des cages jusque vis-à-vis de l’île Perrot.

Généralement, on reste à l’ancre à Châteauguay en attendant le beau temps et le vent du nord favorables pour sauter les derniers rapides, ceux de Lachine.

Les sauvages qui dirigent les opérations mettent pied à terre à Laprairie.

Entre chaque rapide, et de Laprairie jusqu’à Québec, les trains sont rassemblés et tirés par des remorqueurs.

Le voyage dure ordinairement neuf jours.

Naturellement, le saut des rapides n’est pas un jeu d’enfants; assez souvent quelque accident se produit, les billots se séparent et sont emportés au loin, à la grande joie des pilleurs d’épaves; parfois un radeau frappe un rocher, les troncs brisent leurs liens et se soulèvent, mettant en danger la vie des «cageux» qui, précipités dans l’eau tumultueuse, essayent de se sauver en grimpant sur quelque tronc.

 

Ce document est unique. C’est la première fois que j’entends parler que des Amérindiens font métier de sauteurs de rapides pour les cages et que, depuis Laprairie, on compte maintenant sur l’usage de remorqueurs pour tirer ce bois jusqu’à Québec. D’autre part, le journaliste montre bien qu’il faut aussi compter avec les éléments naturels pour la réussite de l’opération. Chose certaine, ce mode de transport du bois jusqu’à Québec en est à ses dernières heures.

L’illustration montre une cage descendant le fleuve près du pont Victoria. Lors de son achèvement en 1859, ce pont est considéré comme le plus long au monde. Source de cette image : http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/massic/accueil.htm

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