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Fréquenter un vieux verger

Accompagner un verger qui vieillit, c’est déjà se retrouver avec plus âgé que soi. Ce qui est pas mal du tout, je dirais.

Donc beaucoup apprendre, car il propose, ce silencieux.

Réaliser son propre vieillissement d’abord, au regard du grand âge de ses arbres, et l’acceptation de son sort.

Y voir les oiseaux s’en servant d’observatoire, sécurisés de l’ensemble des arbres de même venue.

Apercevoir tout à coup, au moment de la floraison des pommiers, les Jaseurs des cèdres, de retour, ces gamins discrets, si bien vêtus, heureux de retrouver des pétales à manger.

Me faire houspiller par les Tyrans tritris qui ont choisi le lieu pour la naissance de leurs petits, dans un nid lâchement tissé, bien à la vue de tout le monde. Et voir soudain arriver la mère avec un grand Amiral dans le bec, l’insecte-emblème du Québec, alors que le père, perché sur la plus haute branche du pommier, surveille les environs.

Sortir très tôt le matin, jumelles au cou, gagner l’endroit sur la pointe des pieds pour savoir d’où vient ce chant que je n’ai jamais entendu, la Fauvette triste.

Faire de même un autre matin pour aller cueillir les pommes, journée de confection de la gelée.

Constater, les jours de grandes chaleurs, le plaisir des chardonnerets à se nourrir aux silos de chardon dans un îlot de fraîcheur, sous la voûte d’un grand pommier.

Courir y photographier cet Épervier de Cooper qui fait des malheurs dans ma population de Tourterelles tristes.

Passer la journée à quatre pattes à ramasser les pommes tombées, long moment de réflexion, longue méditation, où l’esprit se perd et le vent soûle.

Entendre l’habile Moqueur-chat qui miaule et voir le magnifique Moqueur roux y aller de ses petits bonds au sol.

M’amuser de la course d’un jeune lièvre qui va et vient sans cesse, du fond du verger jusqu’à la maison, heureux, dirait-on, de la pelouse fraîchement tondue.

Et puis, tard, dans la deuxième moitié de l’automne, quand tous les arbres ont perdu leurs feuilles, quand bientôt sera la neige, prendre maintenant beaucoup plaisir à voir le verger nu, tordu, tourmenté par les vents, les bras tournés vers le ciel, comme pour lancer une grande plainte solitaire, à moins que cela ne soit pour blasphémer contre l’hiver qui revient.

 

Soudain, un des arbres fait don d’un «panache», un panache qui dégringole des hauteurs, cadeau que je m’empresse d’attraper. J’en fais du bois d’allumage. Le bois de pommier, encore plus dur que le bois franc, allume fort bien.

Vous pouvez apprendre davantage sur mon vieux verger dans mon ouvrage Un citadin à la campagne, Quatre saisons à Sainte-Anastasie. Le livre se trouve en librairie et je le vois aussi à l’occasion chez les bouquinistes. Si le cœur vous en dit.

L’image ci-haut est un de ces «panaches», apporté dans la cour pour la photo. Et puis, bien sûr, les Chardonnerets jaunes et une Roselin pourpré femelle, l’Épervier de Cooper qui m’a à l’œil et une scène d’automne avancé dans mon vieux verger.

6 commentaires Publier un commentaire
  1. Christiane Melançon #

    Magnifique texte! Observer le monde fourmiller est la plus belle des occupations. On n’habite pas un espace, c’est la nature qui est maitresse des lieux, et qui nous survivra bien longtemps après nous.

    30 juillet 2012
  2. Jean Provencher #

    C’est si vrai, chère Christiane. Bien après que nous soyons partis, la nature filera son train, revivra ses cycles et ses cycles. Ça rend bien humble que de l’observer et ça nous replace dans cette nature.

    30 juillet 2012
  3. Mildred #

    Cher vous,votre très beau texte m’émeut car il me rejoint au plus profond de mon moi-même.. Ëre témoin sans le vouloir des transformations de la nature, suivre l’évolution d’une graine ou bien d’un arbuste demande de la persévérance et du courage ; la volonté de regarder croître une végétation sans rien attendre me semble l’accomplissement de ce pour quoi nous sommes là.Je vous admire d »être capable de capter les instants éphémères de nos survivances et de nous les transmettre.Je ne vous ai jamais lu sauf  »Les Quatres Saisons  »que nous avions offert à papa et qu’il n’avait pas aimé.J »irai chercher vos écrits dans ma bibliothéque ,sorry…by.

    31 juillet 2012
  4. Jean Provencher #

    Merci, bien chère Vous. Mais vous savez, je n’ai pas de mérite, car, depuis que je suis très jeune enfant, j’ai toujours eu cet intérêt pour la nature. Mon père nous a beaucoup éveillés à la nature. Ce fut un homme qui parlait très peu, mais pour la nature il savait si bien discourir. Et puis, je vais vous étonner, j’ai eu la santé pour me rendre jusqu’à mon âge. Je fus un choyé. Et d’être en lien avec ce milieu depuis bientôt 40 ans, c’est d’être beaucoup nourri, de mille et une manifestations de vie.

    31 juillet 2012
  5. Denis Jobin #

    Bonjour cher Jean,

    Merci pour tes confidences champêtres.

    31 juillet 2012
  6. Jean Provencher #

    Merci à toi, cher Denis. Je t’en prie.

    31 juillet 2012

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