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La publicité

Selon Le Petit Robert (2007), le mot remonte à 1829 et désigne d’abord «Le fait d’exercer une action sur le public à des fins commerciales, le fait de faire connaître (un produit, un type de produits) et d’inciter à l’acquérir».

Fort bien pour la définition. Mais le hic, c’est que la pub n’a pas d’âme et elle n’a qu’une loi : l’obligation de rendement; en d’autres termes, réussir à faire nos poches. Elle utilise tous les moyens pour parvenir à ses fins et est prête à s’accrocher à tous les véhicules.

Déjà omniprésente en 1900, elle surgit alors au moment où on l’attend le moins. Voyez, par exemple, cette histoire d’éléphant à Bruxelles. Au 20e siècle, il nous faudra des efforts pour la corseter, l’arrêter d’aboyer, en particulier auprès des enfants, car les publicitaires deviendront de plus en plus habiles.

En 1900, au sein des publicitaires, on retrouve, bien sûr, ceux qui font métier de concepteurs d’images, d’afficheurs. En juillet 1905, les voici qu’ils accourent de partout pour un grand congrès à Montréal. Habiles, ils organisent une grande exposition d’affiches publicitaires, rue Craig, ouverte à tous. Le journaliste de La Patrie est tout à fait séduit. Le 11 juillet, sous le titre Science de l’affiche, il écrit :

 

Les afficheurs des États-Unis et du Canada sont réunis depuis hier en convention à Montréal. Ils ont des séances où il y a des conférences sur des sujets de publicité et entre temps ils se laissent recevoir par les confrères de Montréal et ils passent le temps à dîner en plein air et à visiter la ville et ses environs. Ces conventions en plein cœur d’été ne manquent pas de charme.

Mais les afficheurs sont des gens pratiques; ils savent que tout le monde n’assiste pas à leurs séances et, comme ils ont décidé de signaler quand même leur présence à Montréal, ils ont fait dans la salle des manœuvres, rue Craig, une exposition d’affiches fort intéressantes à voir.

Le représentant de La PATRIE n’a pu résister au désir d’y jeter un coup d’œil ce matin. Comme ensemble, c’est plaisant à voir. Il y a là des dessins extraordinaires, — nous ne disons pas artistiques, — mais extraordinaires souvent comme dimensions et parfois comme conception. Car il faut bien remarquer qu’une affiche ne doit pas être nécessairement artistique. Sa qualité première est d’attirer l’œil du spectateur ou du passant et de le captiver par la nouveauté du genre. À ce point de vue, certaines horreurs peuvent être d’excellentes réclames.

Énumérons à la hâte les affiches de la bière Pabst, très appétissantes avec leur bouteille et des huîtres sur écailles qui semblent si fraîches et si succulentes; Il y a différentes formes de ces affiches, panneaux, «posters», sujets athlétiques, etc.

D’autres affiches ne sont que d’énormes placards avec des lettres monumentales; cela se voit de loin assurément et par les personnes les plus myopes; dans le genre, citons Moxie et les farines Napoléon et Cold Meal. La farine John Alden exhibe une femme au rouet qui ne manque pas d’art. C’est plaisant à regarder sinon très symbolique. Le Cocoa Suchard nous donne une illustration de fresques avec une embarcation aux voiles phénoménales. Les Nestles Milk [vraisemblablement le Nestlé Quick qui traversera tout le siècle] nous donnent des vaches, des chats et des enfants curieusement dessinés, mais prenant l’œil quand même.

Il y a beaucoup de femmes sur ces affiches : des Espagnoles, des Orientales, des cordons bleus, des baigneuses aux bras superbes, des élégantes guindées comme des poupées de carton, etc. D’énormes savons servent de montures à des enfants joufflus et à des cupidons aux joues cramoisies. Dans un paysage asiatique, aux tons éclaboussants, un énorme Mathusalem, avec une barbe combien postiche, nous présente un Rye ante-diluvien, moins postiche que lui, espérons-le.

Les annonces de Bovril ne manquent pas d’intérêt.

Varney et Green et le Southern Pacific nous donnent de grands et imposants décors d’océan ou de Far West.

Les Sweet Caporal de l’American Tobacco font bonne figure, ainsi que les placards de M. J. M. Fortier et les Stonewall Jackson.

À regarder la double haie de fumeurs de Stonewall Jackson tous semblables, on a eu lieu, d’une impression artistique, celle de s’éveiller après une cuite carabinée et de voir non seulement double, mais dix fois et vingt fois un même objet.

Ça prend l’œil, on n’a pas à dire, puisqu’on se le frotte.

L’ouverture de cette exposition a eu lieu officiellement ce matin par le président de l’association, M. Barney Link.

La convention proprement dite a commencé immédiatement après, et M. Henry Miles, le président des hommes d’affaires de Montréal, souhaita la bienvenue aux congressistes.

Cet après-midi, Son Honneur le maire recevra les délégués à l’hôtel de ville. Entre les séances de la convention qui dureront jusqu’à vendredi, il y aura des promenades en tramway, sur la montagne, sault des rapides, dîners champêtres, parties de théâtre, parc Riverside, visite au cirque, etc. Bref, on ne s’embêtera pas avec les délégués afficheurs.

 

Source de l’illustration de la bière Pabst : http://www.flickr.com/photos/71065879@N03/6428130009/

2 commentaires Publier un commentaire
  1. sylvie pontbriand #

    Mon père dans les années 30, après l’électrification des rangs de St-Guillaume a vendu les premières laveuses à linge électriques.Comme publicité il allait vendre la première au « coq » du rang et celui-ci faisait après une excellente publicité aux voisins.
    Comme méthode de vente, il proposait d’aller faire le lavage une journée, il indiquait l’heure du début et à la fin, démontrant tout le temps sauvé par la ménagère. Et comme le faisait remarquer mon père, celle-ci ne donnait pas son linge le plus sale à faire laver…le lavage était donc facilité et le résultat parfait!

    13 juillet 2012
  2. Jean Provencher #

    Votre père était un rusé, chère Sylvie. Il avait compris les vertus du bouche-à-oreille. Et avec le coq du rang pour créer un engouement sur ce chemin de la paroisse, l’affaire était gagnée.

    13 juillet 2012

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