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Une partie de sucre à L’Ange-Gardien

Avril est là, les parties de sucre se multiplient. En voici une nouvelle, à L’Ange-Gardien, à quelques kilomètres à l’est de Québec. Le journal Le Soleil nous la raconte le lundi 5 avril 1909.

Les membres du Cercle des voyageurs de commerce ont fait leur excursion annuelle à la cabane à sucre, samedi après-midi.

Vers les 3 heures, un train spécial quittait la gare du Q. R. L. & P. Co. pour L’Ange-Gardien, et à 4 heures 5 précises les joyeux excursionnistes étaient rendus à la « sucrerie », qui n’est qu’à quelques minutes de marche de la voie et où un chemin de pied a été tracé sur la neige. Un attelage d’un gros Terreneuve, conduit par des jeunes garçons, vient chercher les « provisions » et les visiteurs suivent par derrière. 

La « cabane à sucre » de M. Théophile Bélanger est une des plus modernes, offrant tout le confort possible; longue table, chaises, etc. À quelques pas en arrière, une source coule abondamment du sommet de la falaise et fournit aux besoins de la sucrerie; tout en ajoutant au spectacle de cette érablière d’un millier d’érables, en plein printemps, mais alors que la neige atteint encore une hauteur de plusieurs pieds.

Le sirop est en ébullition à l’arrivée des gais compagnons, qui s’empressent de se débarrasser de leurs pardessus, histoire d’être plus libres pour s’amuser au dehors, la journée étant réellement idéale. Nous profitons du temps où la « guerre des boules de neige » bat son plein pour copier, sur la cloison de la cabane, où l’un des excursionnistes s’est hâté de les inscrire, les noms des favoris de ce beau voyage. […]

Sur l’invitation de M. Bélanger, tous se délectent de délicieuses « trempettes », puis vient la « tire » sur la neige qui se mange à l’aide de palettes; pour quelques-uns, des œufs frais sont mêlés au sirop et le massacre de ces bonnes choses se poursuit comme si les appétits étaient insatiables. Il est 5 h. 30, c’est le temps de grimper la falaise abrupte, mais tous sont lestes, accoutumés aux voyages, et en moins de dix minutes la résidence de M. Bélanger est envahie.

C’est une de ces spacieuses maisons de campagne où le confort est à la mode. Pour faire diversion avec les jeux de tout à l’heure, on organise la partie de cartes et le whist n’offre pas le moindre attrait — disons, en commettant une indiscrétion — que deux « schlems » se sont donnés l’un suivant l’autre. La chose mérite d’être consignée dans les annales du club, tant elle est d’occurrence rare, tout autant qu’une « flush royale » au poker, ce qui n’est pas peu dire.

Le souper suivit — un souper de gargantua — où des mets de toutes sortes faisaient ployer la large table : soupe aux pois canadienne, pâtés aux huîtres, pâtés aux pommes, crème douce, confitures, etc., le tout dégusté avec un bel appétit. […]

À 10 hrs, tous reprenaient le train spécial pour Québec, enchantés de la réception cordiale de la famille Bélanger et du succès qui avait couronné la promenade au sucre annuelle.

 

Comme pour l’image apparaissant le 23 mars dernier sur ce site, j’ignore qui sont ces deux personnes apparaissant ci-haut. Durant les années 1970, une employée du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche me téléphone. Je n’ai pas retenu son nom, malheureusement. « Vous ne me connaissez pas. Je sais que vous êtes historien. Nous mettrons sous peu au rebut un certain nombre de photographies noir et blanc, de format 8’’ X 10‘’, qui ne nous seront plus utiles. Si la chose vous intéresse, passez les chercher. » Bien sûr, j’accours.

Cette magnifique photographie, prise il y a donc une quarantaine d’années, faisait partie du lot. À l’endos, il y a la marque d’un tampon, de couleur bleue, qui se lit : Sujet : [rien de mentionné]  Endroit : [rien de mentionné] Gouvernement du Québec, Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. No : [aucun] Photographe : Fred Klus. Mais le nom de Fred Klus est barré d’une trace de stylo bleu.

L’endos n’est pas plus bavard. Mais je suis fort heureux que cette image trouve maintenant sa place sur la grande Toile.

Sur cet instantané incroyable, volé, arraché au vieillissement des choses, cette belle jeune fille, toute attentive, et protégée dirait-on, est en train, bien sûr, machinalement, de lécher la palette, dont il est fait mention dans le texte plus haut.

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Pierre Campeau #

    Monsieur Provencher:
    Si cela peut vous intéresser Q.R.L.&P. veut dire
    Quebec Railway Light & Power Company.
    Le français n’était pas à l’honneur en ces temps-là!

    13 avril 2012
  2. Jean Provencher #

    Merci, Monsieur Campeau.

    13 avril 2012

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