Voici la troisième page du calepin magnifique que m’ont envoyé mes deux amis de Trois-Rivières, Ninon et Pierre, un calepin de toute beauté avec des textes et des dessins.

Et on ne sait qui il est, d’où il vient, combien de temps il espère passer ici. La vie lui appartient et il peut défier qui il veut. Sa présence est un cadeau. Si vous trouvez mon dernier libre, Histoires naturellles publié en 2019, vous allez apprendre qu’il n’est pas du tout craintif avec les humains. Aucune loi de la nature ne l’enferme ; il est maître de sa vie. De l’Atlantique au Pacifique, il niche où bon lui semble. Sa confiance est venue de la variété de son vécu. Il était de passage ici en avril 2018.
Ouvrons à la pager 344, où l’auteur parle du Trivial et du Tragique.
« Le simple mortel, dans notre civilisation urbanisée, passe pratiquement toute sa vie sur le Plan Trivial; ce n’est qu’en de rares occasions — pendant les orages de la puberté, ou quand il tombe amoureux ou en présence de la mort — qu’il tombe soudain dans le trou et passe au Plan Tragique. […]
La force de l’habitude et des conventions nous enferme dans le Trivial; nous ne nous en apercevons même pas parce que les chaînes sont invisibles, les contraintes agissent au-dessous du niveau de la conscience. Ce sont les normes collectives, les codes de conduite, les matrices axiomatiques qui déterminent les règles du jeu, et nous font avancer presque tous, dans les ornières de l’habitude, nous réduisant à cet état d’automates bien dressés que les behavioristes présentent comme la vraie condition de l’homme. Ce que Bergson appelle « le mécanique incrusté sur le vivant » résulte de l’incarcération dans le Trivial.
Dieu merci, l’homme n’est pas toujours un être plat — mais seulement presque toujours. Comme l’univers où il vit, il est en état de création continue. […] La vie dans le Trivial est un emprisonnement indolore; c’est aussi une condition de stabilité sociale et intellectuelle. On ne saurait s’installer en permanence dans le ventre de la baleine. Émotionnellement et intellectuellement, nous ne pouvons nous permettre que de très brefs séjours sur le Plan Tragique, parmi les archétypes et les fins dernières. Émotionnellement, ce serait le voyage sans retour de Blake, ou le samadhi définitif du yogi. Intellectuellement, ce serait l’abdication de la raison. Car les êtres que l’on rencontre sur ce plan, les membres de cette matrice — éternité infini, causes premières, paradoxes des archétypes — sont des absolus irréductibles qui ne se prêtent pas au traitement logique. Ils bouleversent toutes les opérations rationnelles, comme le font en algèbre les symboles du zéro et de l’infini introduits dans une équation finie. C’est ce qu’exprime parfaitement le mot de Malraux : « Une vie ne vaut rien — mais rien ne vaut une vie ». Le physicien peut parler de l’infini en symboles abstraits, mais dans la vie ordinaire l’infini c’est l’infini, cette chose qui dépasse l’entendement, et l’on s’en tient là.
Arthur Koestler, Le cri d’Archimède. L’art de la découverte et la découverte de l’Art, Paris, Calmann-Lévy, 1965, p. 344 et 345.
Vous pouvez trouver Arthur Koestler sur ce site internet.
Le corps naît avec pour destin de périr, un jour ou l’autre; il a donc moins d’importance que l’âme. Le vrai sage le sait, et aucun des divers états du corps ne le porte à se lamenter. Deuxième chapitre, verset 11, page 51.
À l’instant de la mort, l’âme prend un nouveau corps, aussi naturellement qu’elle est passée, dans le précédent, de l’enfance à la jeunesse, puis à la vieillesse. Ce changement ne trouble pas qui a conscience de sa nature spirituelle. Chaque être est une âme spirituelle, distincte de toute autre. À chaque instant, celle-ci change de corps et se manifeste sous la forme d’un enfant, puis d’un adolescent, d’un adulte et d’un vieillard. Mais, à travers ces mutations, elle reste identique à elle-même et ne subit aucun changement. Finalement, à la mort de l’enveloppe charnelle qu’elle habitait, cette âme transmigre dans une autre. Sachant que l’âme est certaine de revêtir un autre corps, matériel ou spirituel, pour une nouvelle vie. Deuxième chapitre, verset 13, page 53.
L’âme ne connaît ni la naissance ni la mort. Vivante, elle ne cessera jamais d’être. Non née, immortelle, originelle, éternelle, elle n’eut jamais de commencement, et jamais n’aura de fin. Elle ne meurt pas avec le corps. l’âme ne connaît ni passé, ni présent, ni futur. […] Elle est éternelle et originelle : rien ne laisse croire qu’elle ait seulement pu avoir un commencement. L’âme ne vieillit pas non plus comme le corps. C’est pourquoi le vieillard se sent intérieurement identique à l’enfant ou au jeune homme qu’il fut. Les changements de corps n’affectent pas l’âme : elle ne dépérit pas comme le fait un arbre ou tout autre objet matériel ; elle n’engendre pas non plus de descendance. Deuxième chapitre, verset 20, page 62
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