Hommage à Nicolas Appert
Au début du 19e siècle, l’humanité dispose encore de méthodes très anciennes de conservation des aliments. On fume, on sale, on sèche, on sucre ou on gèle ce que l’on tient à conserver. Mais aucun de ces moyens ne permet de garder les denrées sous une forme rappelant l’état frais. Sans compter qu’on se soucie rarement de la qualité des produits conservés et de la propreté des contenants utilisés.
En 1810, après 15 années de recherche, 45 ans avant Louis Pasteur et la pasteurisation, l’inventeur français Nicolas Appert, ancien confiseur et distillateur, publie à Paris un ouvrage qui fera révolution: L’Art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales. Il y certifie que toute denrée alimentaire, préalablement chauffée et maintenue dans un contenant hermétiquement fermé, peut se conserver durant plusieurs années. Il rappelle qu’il est essentiel d’utiliser des aliments frais, des contenants d’une parfaite propreté et de mener rapidement les opérations de mise en conserve.
Compte tenu que la chimie n’en est qu’à ses débuts et que la bactériologie demeure une discipline inconnue, Appert ne peut expliquer pourquoi la combinaison de la chaleur et de l’exclusion de l’air ambiant permet une telle qualité de conservation. Tout de même, cette trouvaille devait révolutionner les manières de manger et améliorer grandement les conditions générales d’existence de l’humanité. Fini le scorbut, cette maladie venue d’une carence de la vitamine C ! Finies les viandes salées et les galettes séchées servies dans l’armée et la marine ! Désormais, par le mode des conserves alimentaires, on peut varier le menu et l’adapter aux besoins de chacun. « M. Appert, écrit Le Courrier de l’Europe, a trouvé l’art de fixer les saisons : chez lui, le printemps, l’été et l’automne vivent en bouteilles semblables à ces plantes délicates que le jardinier protège sous un dôme de verre contre l’intempérie des saisons. »
Avec Appert, l’acte de naissance de la conserve était signé. Par la suite, on ne fera que raffiner le procédé. En 1817, les Anglais substituent aux contenants de verre des boîtes rondes en fer-blanc. Celles-ci sont moins fragiles et d’un transport plus facile lors de longs voyages. Mais le verre n’est pas déclassé pour autant. Les familles y recourent encore, puisqu’il est aisément réutilisable. On s’en sert, par exemple, pour les confitures, les gelées, les cornichons, les fruits au naturel et au sirop. Le verre obtient d’ailleurs ses lettres de noblesse en 1858, quand l’Américain W.W. Lyman, du Connecticut, invente le pot Mason, au couvercle reposant sur une rondelle de cuir ou de caoutchouc et retenu par un ressort métallique. Ce procédé, peu coûteux et d’usage facile, garantit la fermeture hermétique du contenant.
Dans les années 1860, comme les aliments préservés sous le zinc prenaient un goût métallique, on met au point le couvercle fait d’un disque de verre reposant sur un anneau de caoutchouc et tenu en place par un manchon fileté.
L’année 2010 a été déclarée « année Nicolas Appert » par le ministère de la Culture de France à l’occasion du bicentenaire de la publication de sa découverte : l’appertisation.
L’essentiel de ce propos apparaît dans mon ouvrage Les Quatre Saisons dans la vallée du Saint-Laurent (1996), sous le titre «Une révolution alimentaire», p. 314.
La gravure de Nicolas Appert provient de la galerie de El Bibliomata.