Sylvain et Voyou
Je ne sais plus si je vous ai dit mon amour des musiciens ambulants. J’aime beaucoup repérer dans la presse québécoise de 1900 leur présence dans les rues des villes. Ils nous arrivent d’ailleurs, souvent, avec le printemps. Voyez cet extrait du journal Le Soleil le 23 mars 1900.
Depuis quelques jours, nous avons à Québec une fanfare composée de musiciens allemands fraîchement débarqués, parcourant les rues de la ville. Hier, elle était en face de nos bureaux, égrenant ses notes harmonieuses, car cornettistes et barytonistes sont d’excellents artistes, et aussi les cuivres pleuvent-ils dans l’escarcelle. Ajoutons que les musiciens allemands ne se contentent pas de nous donner du Wagner, mais exécutent avec succès des airs français et canadiens. Après l’apparition de la première corneille nous arrive la musique ambulante. C’est donc le printemps. Bientôt nous arriveront sans doute les orgues de barbarie.
Voici maintenant Sylvain et Voyou. Je connais Sylvain Gagnon depuis deux ou trois ans. Il avait l’habitude, assis par terre avec son chien tout près de lui, même par temps froid, en plein hiver, de quêter près de la porte d’un magasin d’alimentation, dans mon quartier. À chaque fois, j’arrêtais pour tenir conversation. Voilà que, l’automne dernier, il disparaît. Qu’est-il donc devenu ? Mystère.
Hier, en fin d’après-midi, je me rendais au lavoir, poche de linge sale sur le dos. Coin Cartier et René-Lévesque, quoi, un batteur ! Mais, diable, c’est Sylvain avec son Voyou ! Je m’arrête, bien sûr. Fort content de les retrouver.
Il rayonnait. « Regardez cela, me dit-il. Je me suis fabriqué une batterie avec des contenants recyclés. Et me voilà. » Permis de musicien et amuseur de la Ville de Québec au cou, il était très fier de me dire « Hé, finie l’aide sociale ! Savez-vous quoi, je suis maintenant travailleur autonome. » Bien sûr, je n’ai pu m’empêcher de lui dire avec joie que nous sommes de la même race, que nous avions tout à fait le même statut, lui et moi.
Voilà donc Sylvain, fort heureux, avec son Voyou. Sitôt que les beaux jours seront vraiment là, il se produira à cinq ou six endroits dans la ville, dont beaucoup dans le Vieux-Québec.
Allez, comme dit l’article du journal Le Soleil, laissez donc pleuvoir vos cuivres dans l’escarcelle lorsque vous l’apercevrez. Sylvain est adorable et son Voyou, tout à fait placide, absolument sans malice, est fort habitué aux gens de passage. Et saluez bien Sylvain de ma part, non sans faire un câlin à Voyou. Ces gens sont les miens.
Les arts sont depuis toujours les amis des historiens. Il faut bien que des témoins ou des acteurs de notre culture nous parlent de temps en temps.
Merci amical !
Merci beaucoup, chère Eli. Bien beau dimanche.
Enfouie que j’étais, sous le travail, j’ai négligé votre site et tous les autres, rassurez vous . :-) Bien sur que si ces gens sont les vôtres nous les aiderons dans leur course à l’autonomie :-). Je vous reviens plus assidue dès la semaine prochaine.
Merci beaucoup, Jeanne. Belle soirée à vous.
MAGNIFIQUE hommage, mon cher Jean, à ces gens qui nous offrent tant de moment de joie et de beauté. Vos paroles sont justes et sincères, merci et MERCI de nous rappeler cette humanité que vous vivez au jour le jour, que vous nous enseignez.
Merci beaucoup, chère Melinda. Encore cet après-midi, Sylvain était là avec son Voyou battant tambour, heureux. Belle nuit à vous.