Ça se passait en 2012
Le Québec dispose maintenant, depuis le 19 octobre dernier, de la Loi sur le patrimoine culturel, dans laquelle apparaissent deux nouveautés : le patrimoine culturel immatériel (dont celui des savoirs) et les paysages culturels patrimoniaux.
Le moment était donc venu de se réunir pour brasser tout ça. Prenant les devants, la table de patrimoine-histoire du Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches a provoqué une grande rencontre d’une journée, le Rassemblement des patrimoines de demain.
Et quel succès ce fut ! Une semaine avant l’événement, il a fallu refuser de nouvelles inscriptions, faute de place. Le lundi, 27 février dernier, nous nous retrouvions 130 personnes à la chapelle du Musée de l’Amérique française, au cœur du Vieux-Québec, toutes des personnes œuvrant dans le monde du patrimoine de diverses manières.
Le moment se voulait résolument tourné vers l’avenir. L’heure n’était pas à ressasser les pertes du passé. Entrons dans le 21e siècle et même dans le patrimoine 2.0. Ce serait une journée de formation, mais en même temps d’échanges, de solidarité, de complicité. J’entends encore l’ami Jean-Pierre Chénard, d’ès TRAD, le Centre de valorisation du patrimoine vivant, qui allait et venait avec un mot en bouche : réseautage.
Et ça ne planait pas au-dessus des nuages, bien au contraire. Le photographe Tristan Fortin Le Breton s’est amené présenter son essai virtuel sur les nouveaux paysages urbains au Québec. À jeter par terre. Madame Magali Lavigne, directrice générale de la Fondation Saint-Roch, nous entretenait du projet de Chantier-école des métiers traditionnels du bâtiment initié par la fondation et basé sur le principe du compagnonnage.
Madame Julie Ruiz, professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières et chercheure dans le domaine, est venue expliquer comment définir, caractériser et gérer des paysages patrimoniaux. Tout un boulot en perspective. L’urbaniste et directeur général de l’Association de mise en valeur des bovins de race canadienne, Mario Duchesne, a raconté la réimplantation récente de la vache Canadienne dans la région de Charlevoix et comment l’association entre des producteurs laitiers et la Laiterie Charlevoix a permis la création d’un nouveau fromage québécois, le 1608, entièrement fait de lait provenant de la Canadienne. Euréka, je l’ai trouvé chez un de mes fromagers, rue Cartier, aux Halles, à Québec. Comme nous le chantions, enfants : Voilà du bon fromage au lait, qui est du pays de celui qui l’a fait.
En ateliers et en plénière, nous avons longuement échangé sur les divers chemins que nous prenons, chacun-chacune dans nos domaines respectifs, pour faire vivre les patrimoines, imaginer des formes nouvelles de transmission et même sensibiliser les jeunes à l’école. Madame Annie Vaillancourt nous racontait même que, dans la MRC de Charlevoix, l’été, dans les camps de jour pour les 8 à 12 ans, une journée par semaine est consacrée à l’art et au patrimoine sur le thème « T’es-tu patrimoiniaque ? »
Impossible de tout vous raconter ici. Chose certaine, sous la neige et le vent d’hiver, dans la tempête, nous sommes repartis heureux, enrichis et ragaillardis d’une pareille rencontre.
Pour une bien bonne idée de notre belle journée, gagnez cette page du site du Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches.
Ci-haut, cet assez beau rassemblement merci, mariage d’art populaire et de mobilier ancien dans un rappel de l’hiver, se tient à Beauport, avenue Royale, chez un couple d’amis qui me sont bien chers. Chouette, chouette, chouette.
Ouf! À couper le souffle, effectivement le travail du jeune Breton. Le choix du procédé «ancien», le noir et blanc, la musique qu’il a accolé à son travail rend le tout obsédant, mystérieux, effrayant voire même apocalyptique! Quelques fois j’avais l’impression de regarder des photos de Würtele, photographe du début du vingtième que tu connais sûrement. Malgré que ce soit un travail presque documentaire, il y a dans les détails un je-ne-sais-quoi de profondément dramatique qui me bouleverse comme dans les photos de Würtele. Ces photographies sont certes d’un intérêt patrimonial indéniable pour nos petits enfants.
Qu’y verront-ils? Comment jugeront ils notre époque et ses débordements?
Je me suis dit que nous prenions du crédits aussi sur nos campagnes, sur nos terres arables. J’entendais parler un représentant du lobby qui désire que soit «libérées» les terres agricoles en friche depuis longtemps pour la construction domiciliaire. Le problème. c’est que dès que des maisons sont construites dessus, ces terres sont perdues à jamais pour la culture.
Bon trêve de pensées noires!
Ne t’inquiètes pas Jean, j’ai encore de la joie dans le coeur!
Très content, cher Pierre, que tu te sois rendu visionner ces images incroyables du photographe Tristan Fortin Le Breton. J’invite d’ailleurs tout le monde à le faire. Son document ouvrait notre belle journée sur les patrimoines de demain. J’aimais que, d’entrée de jeu, Tristan nous mette les yeux dans les trous. Nous en avons pris, si tu me le permets, plein la gueule. Ça, ça te part une journée !
Tu parles de nos terres arables. Déjà, il y a 40 ans, nous n’en avions pas suffisamment, selon les critères des Nations-Unies, pour nourrir notre monde. En 1978, précisément pour cette raison, notre gouvernement du Québec adoptait la Loi du zonage agricole «visant, imagine donc, à protéger les terres les plus fertiles, en particulier celles de la région de Montréal, menacées par la spéculation et la stérilisation péri-urbaines». Avec le grand nombre de terres disparues pour y construire des bungalows, avec tous les «10-30» de ce monde, où en sommes-nous donc aujourd’hui ? Peau de chagrin sans doute. Qu’ont donc fait nos gouvernements ? Ils avaient les culottes voulues pourtant, il ne suffisait que de les mettre. Non. Et nous dormons encore.
Plus que jamais, il faut veiller.