Lettre d’un gardien de lumière

Une mère morse et son enfant

Le 25 février 1908, Le Soleil reproduit une lettre du gardien de lumière Placide Vigneau, en provenance de l’île aux Perroquets, dans l’Archipel-de-Mingan, sur la Côte Nord. Voici la présentation qu’en fait le quotidien de Québec.

M. J. N. Gregory, agent du département de la Marine, à Québec, vient de recevoir de M. P. Vigneau, gardien de lumière à l’île-aux-Perroquets, Saguenay, une lettre des plus intéressantes sur la pêche et la chasse, dans cette partie du pays. Nous reproduisons textuellement :

Longue-Pointe de Mingan,

Le 14 février 1908

J. E. Gregory, écri. E. S. O.,
Québec, P. Q.

Cher monsieur,

Sachant que vous vous intéressez à tout ce qui a rapport à la chasse et à la pêche dans la province de Québec, je crois vous faire plaisir en vous informant que, quelques jours avant Noël, les habitants d’Harrington, quelques milles à l’ouest du Petit Mécatina, ont pris une vache-marine (walrus) dans leur pêche à loup-marin, d’une longueur d’environ treize pieds, et on nous dit que ses deux grandes dents sont longues d’environ 7 à 8 pouces : c’en est probablement une jeune.

Elle a été prise par un neveu de Jones à qui vous aviez donné des provisions et des effets à Bradore, en 1867. Il est probable et même certain qu’aucun de ces amphibies n’a été capturé dans le Golfe depuis une centaine d’années quoiqu’on en a cependant vu quelques-unes (trois ou quatre) depuis une cinquantaine d’années.

La dernière tuée aux Iles de la Madeleine le fut par mon bisaïeul maternel en 1799 ou 1800, ma grand-mère n’ayant pu me dire exactement en laquelle de ces deux années. Il paraîtrait qu’elles quittèrent toutes le golfe vers le même temps, car à la Pointe aux Esquimaux on a trouvé plusieurs crânes et mâchoires en défrichant nos terres mais à environ une centaine de pas et plus du rivage actuel, ce qui prouve qu’on ne leur faisait plus la chasse depuis longtemps dans ces parages.

Le total de la pêche aux loups-marins par en bas est d’environ 2,200. La chasse à la pelleterie, jusqu’à présent, est médiocre parmi les blancs, cependant, quelques sauvages descendus à Mingan dernièrement paraissent avoir assez bien fait, vu le haut prix de la pelleterie. Aujourd’hui, une seule martre en vaut 7 à 8 comme il y a vingt ans.

Veuillez me croire, cher monsieur, vôtre.

P. Vigneau
Gardien de lumière
Ile-aux-Perroquets, co. Saguenay, P. Q.

Dans cette lettre, notez la précision du détail que devait avoir chaque gardien de lumière et qui déteint sur son propos. Rien n’est laissé à l’à-peu-près, il en allait du sort du navire à distance.

Originaire des îles de la Madeleine, Placide Vigneau (1842-1926) parle ici du morse, appelé populairement vache marine. Il fut pendant plusieurs années gardien de phare à l’île aux Perroquets. Son journal, tenu avec assiduité et exactitude, fut publié en 1969 par Gérard Gallienne, un livre de 311 pages qui a pour titre Un pied d’ancre, journal de Placide Vigneau, un document présenté par Gérard Gallienne et annoté par René Bélanger. L’éditeur y ajoute la note suivante : Trois quarts de siècle d’histoire sur la Côte Nord, le Labrador et les Iles de la Madeleine (1857-1926).

On trouvera une biographie de Vigneau par Guy Côté dans le Dictionnaire biographique du Canada.

Placide Vigneau est l’arrière-grand-père maternel de Michel Gallienne, ami architecte de Québec.

Cette magnifique illustration d’une mère morse et de son petit provient du site http://alaska.fws.gov/. Elle apparaît précisément à l’adresse suivante : http://www.flickr.com/photos/usfws_alaska/5390755714/

On peut aussi consulter la page Wikipédia sur le morse. Et trouver des renseignements sur l’île aux Perroquets sur le site http://www.ileauxperroquets.ca/