« La joyeuse saison des at homes » !
Entre les Rois et le mercredi des Cendres, les soirs se vivent en société. Dans les campagnes, c’est la saison des veillées; en ville, dit-on, celle des at homes. Étrange expression apparaissant souvent dans la presse québécoise du début du 20e siècle et disparue depuis. At homes ici, at homes là. «Quand donc organises-tu ton prochain at homes ?»
Étienne Blanchard, dans son Dictionnaire du bon langage (Montréal, 1914), dit qu’il s’agit d’une expression anglaise pour désigner tout simplement une réception. Dans les villes, les nantis des quartiers huppés espèrent être invités à des at homes, le plus souvent possible, moyennant quoi ils devront aussi organiser le leur. Pas question durant ces semaines de veiller seuls, en amoureux, à se bécoter sur la causeuse; on aura tout le temps, à d’autres moments de l’année, dans la plus grande intimité, de s’abandonner, seuls au monde, aux délices, aux nombreux plaisirs de l’amour témoigné.
Le journal La Patrie du 2 février 1899 décrit la saison.
C’est le carnaval, la joyeuse saison des at homes, des réceptions et des bals. Pour les tout jeunes, c’est l’heure solennelle des débuts émouvants, pour les plus âgés, la rentrée en scène après l’entraînement des soirées intimes, pour les papas et les mamans, l’occasion de rigueur de cimenter leurs relations sociales ou de s’en créer de plus étendues.
Maintenant ce ne sont plus les tête-à-tête mystiques dans le salon silencieux, le laisser-aller des petites réunions; les visites ont revêtu un caractère officiel et la familiarité a endossé la livrée de gala.
Mais demain la fièvre du bal sera dissipée, la scène aura des dimensions plus étroites, l’on reviendra dans le salon silencieux se raconter les impressions de la veille et se jurer…
C’est le carnaval, la joyeuse saison des at homes, des réceptions et des bals.
Cela dit, ces semblables rencontres sont vraiment pour gens riches. Le correspondant de La Presse à Québec écrit le 1er février 1900 : Les bals, banquets et réceptions se succèdent en ce moment, parmi la haute société. Durant ce temps-là, le nombre de sans-travail et de familles sans pain augmente sensiblement. L’hiver, les temps sont souvent bien durs dans les familles de journaliers.
Ma petite maison de colonisation en était une de veillées, de sets carrés et de soirées arrosées par des gens humbles, et non pas un lieu pour la haute et ses at homes! Imaginez un bal dans une si petite maison…
C’est un ancien qui me l’a dit, ma petite maison était la maison des veillées du rang. En plein hiver, ça réchauffait le coeur de se rencontrer et de veiller. Depuis 10 ans que nous l’habitons, et plusieurs fois par an, nous invitons les voisins du rang le temps d’une soirée de rires et de musique, car il n’est pas question que la maison perde cette belle vocation!
Bravo, chère zed.