Pour un enfant, faire la crèche
À quelques jours de Noël, quand l’arbre était bien droit, parfois avant même de le décorer, venait le temps de faire la crèche. Après nous avoir avertis d’être plein de précaution, ma mère montait au grenier, dans les «avances» disait-on, pour nous rapporter d’abord la crèche, cette cabane de bois rond fabriquée en 1930 par son père, Pierre Parent, un chauffeur de camion de Saint-Raymond de Portneuf, peut-être alors en chômage à cause de la crise économique. Mais pas du tout désœuvré.
Déjà nous étions comblés. Cette petite maison qui nous apparaissait chaque année à date fixe nous était si familière. Je n’ai jamais pu imaginer depuis une vraie crèche autrement qu’une cabane de bois rond. Bientôt ma mère revenait d’en haut avec une variété de boîtes, boîtes à chapeau, boîtes à chaussures, en fait boîtes à bonheur. Nous savions bien tout ce qui s’y cachait. Mais attention, attention, c’est l’Enfant-Jésus ! Ah, voilà un des quatre moutons. Il y en a bien un cinquième porté par un berger tout autour du cou. Et la belle Marie, et le vieux Joseph. C’est moi qui a le bœuf ! Écorné, bien sûr, depuis tant de Noëls. L’âne sort à son tour. Enveloppé aussi dans un papier fin. Et chacun s’amène, les Rois Mages comme les autres.
Au pied de l’arbre, ma mère couvre les boîtes vides d’un papier simili rocher. Déjà on prête attention, on aperçoit la scène finale. Elle pose la crèche sur la boîte la plus forte. Le plus souvent au centre d’ailleurs. N’est-ce pas la naissance de Jésus ! Cela dit, on connaît depuis longtemps la disposition des personnages sur le lit de paille de la crèche : le Jésus tout au centre, flanqué de sa mère, de son père, et du bœuf et de l’âne tout à l’arrière. Personne ne pourrait trouver à redire de cette image fixée depuis si longtemps. C’est Luc, dans son évangile, qui nous en parle le premier. Mais les autres ? Ne place pas les bergers si près, nous ne sommes pas à Noël ! Ce mouton si attendrissant ne peut qu’être tout près de l’enfant, voyons !
L’unanimité cependant se faisait rapidement au sujet de Gaspard, Melchior et Balthazar. Sur ce rocher, on les plaçait le plus loin possible de la crèche. Ne seront-ils là que le 6 janvier, le dernier jour des vacances, ils auront tout le temps de s’amener. Et, tout au long de nos vacances, il nous était permis de les approcher de la crèche, petit à petit. Comme un bonheur, mais comme un déchirement aussi.
Nous savions ce moment bien court. Le lendemain des Rois, nous revenions de l’école, la crèche défaite, l’arbre disparu. Il fallait retrouver le fil.
Cette crèche fut exposée à la bibliothèque Gabrielle-Roy, à Québec, en décembre 2000 et janvier 2001. Véritable objet de patrimoine familial, elle appartient maintenant à mon fils Sébastien. Lui et sa chère Annie l’ont montée à nouveau cette année pour leurs deux filles et leur fils. Tous les santons sont de Laurent Bourges, un maître santonnier de Saint-Rémy-de-Provence que nous avions eu le bonheur de rencontrer en 1969.
Vous trouverez ci-joint un hommage à ce cher Laurent Bourges, grand homme calme, fou de son métier, à l’accent chantant du sud de la France, et tellement recevant, tellement patient à tout nous expliquer : http://lousantonejaire.over-blog.com/article-hommage-a-laurent-bourges-39950838.html
Très joli ce repaire dans le temps que cette crèche de ton enfance. Pour ma part j’imagine que nous avons déménagé trop souvent pour que je me rappelle du patrimoine familiale en terme de crèche, mais cependant, peut-être pour les mêmes raisons j’ai bricolé moi-même une crèche avec mon fils alors qu’il était âgé de 3 ans. On l’a recouverte d’écorce de bouleau et la bordure de la toiture est en écaille de cocottes de pin…rustique mais authentique…et on a collé comme fond du papier brillant pour permettre d’illuminer le tout avec une petite ampoule! Cette année en l’ installant mon fils lui vouait un soin particulier, on s’est regardé en se disant qu’elle tenait bon. «T’es sûr que tu veux mettre ça..?» «Ben voyons maman certain je l’aime notre crèche! » Nos personnages sont dépareillés, certains viennent d’Espagne, d’autres sont des santons de Suzanne Tremblay (un violonneux entre autre que j’adore) , d’autres du dollardmachin…Mon fils qui a 23 ans maintenant lui a greffé un village de petites maisons illuminées. Pendant des années il installait son train Légo autour! Bref une crèche perdue en ville mais qui sait, si elle résiste encore pendant quelques années, elle se retrouvera comme la tienne dans un Musée avec la mention : faite au Québec dans les années 80!
quel beau souvenir brother félicitation.
Merci, chère Eliza, de nous faire part de votre crèche. Il va falloir que je fouille pour savoir ce que sont ces santons de Suzanne Tremblay, dont tu nous parles.
Et merci à toi, brother.