Les bibliothèques publiques au Québec au début du 20e siècle, une vraie misère
À peu près partout, elles sont inexistantes.
Aux États-Unis, Andrew Carnegie, l’industriel et philanthrope écossais naturalisé américain, fut d’un grand secours pour la multiplications des bibliothèques publiques. On le disait l’homme le plus riche du monde et seulement à New York, il a créé 65 bibliothèques. Dans l’ensemble des États-Unis, environ 2 500 bibliothèques publiques portent son nom.
Il a bien proposé au tout début du siècle de financer gratuitement une bibliothèque publique à Montréal, mais une majorité de conseillers municipaux rejeta son offre.
En 1907, une association d’hommes de lettres canadiens-français, l’École littéraire de Montréal, reprend le combat.
Une lettre adressée à la commission de l’Hôtel de Ville, par l’École littéraire de Montréal, a soulevé un important débat à la séance de la commission hier après-midi.
La lettre se lit comme suit :
Les plus petites villes des États-Unis ont cependant, chacune, leur bibliothèque qui constitue le plus intéressant monument de la localité, Dans Ontario aussi se voient partout des bibliothèques municipales. À côté de nous, Westmount a la sienne.
L’École Littéraire de Montréal espère que les hommes éclairés dont se compose la Commission de l’Hôtel de Ville se rendront compte de cette regrettable lacune et mettront sans tarder à l’étude le projet de doter la ville de Montréal d’une bibliothèque qui lui convienne et surtout qui lui appartienne.
Le Conseil n’ayant pas fait d’objections à l’allocation annuelle de $15,000 que devait entraîner l’acceptation du don de Carnegie, ce crédit pourra facilement se mettre de côté chaque année pour, dans cinq ou six ans, suffire à la construction d’une bibliothèque convenable. Et la question de l’administration et de la régie interne de la bibliothèque étant enfin réglée, ce n’est pas la discussion de cette épineuse question qui pourra compromettre la réalisation du projet.
Comptant que les premiers membres de la Commission de l’Hôtel de Ville ne se refuseront point à l’honneur de doter la ville de Montréal d’un monument qui lui manque si évidemment,
Nous avons l’honneur d’être, Monsieur le Président,
Vos humbles et dévoués serviteurs,
L’École littéraire de Montréal,
Par le président,
(signé) Jean Charbonneau.
L’échevin Labrecque dit que c’est là une question importante et dit que la ville pourrait disposer d’une somme de $30,000 pour la construction d’un édifice, où la Bibliothèque municipale serait chez elle.
L’échevin Giroux demanda qu’on laissât de côté cette question pour le moment, mais l’échevin Dagenais suggéra que le président se mit en rapport avec M. Carnegie, pour savoir si son offre est encore valide.
— « À une autre séance » dit l’échevin Giroux.
— « C’est dommage » dit l’échevin Dagenais, car d’après moi l’on s’est rudement trompé le jour qu’on a refusé cette offre.
L’incident tomba.
Une communication du directeur de la Gazette municipale, disant que tout ce que l’on avait enlevé du journal officiel l’avait déprécié et compromis son existence même, et recommandant qu’on le rétablit dans son intégrité, a été laissé sur la table.
La Patrie (Montréal), 21 mars 1907.
Ce n’est finalement qu’en mai 1917 que s’ouvrira la première bibliothèque publique de Montréal, au 1210 rue Sherbrooke Est, en présence du Maréchal Joffre, héros de la première guerre mondiale.
La photographie de la bibliothèque publique de Montréal, dite « Édifice Gaston-Miron », est de Jean Gagnon et apparaît sur la page Wikipédia qui lui est consacrée.