Comment faire cesser les enfants de fumer à Montréal

Voyons voir.

Le 20 juillet 1908, « à la suite d’une longue campagne contre l’usage du tabac », la ville de Montréal adopte une loi défendant la vente de cigarettes aux mineurs au-dessous de seize ans et aussi à ces mêmes mineurs de fumer.

Or, à l’usage, on constate que la loi est souvent mal appliquée.

Cette campagne contre la vente des cigarettes aux enfants n’a pas été sans ses ennuis ni sans ces incidents tristes ou comiques. Au début, on ne s’en prenait pas aux marchands, mais aux petits fumeurs ; la loi donne aux agents de police le droit de les arrêter et de confisquer le tabac trouvé en leur possession, et on se prévalait de cette disposition de la loi.

Mais on constata vite qu’on faisait fausse route et qu’il était absolument inconvenant de conduire au poste et d’exposer à la promiscuité avec les criminels d’innocents enfants, de souiller leur jeune âme blanche en les traînant dans les prétoires. De plus, les parents ignoraient souvent que leurs enfants fumaient et c’était les rendre responsables d’un état de chose qu’on ne pouvait vraiment leur reprocher.

On résolut donc de s’adresser aux marchands. Mais, là encore, il y avait des inconvénients. Les magasins de cigarettes et de bonbons sont généralement tenus par des gens que l’âge ou l’état de leur santé empêche de faire autre chose. Ces marchands ne sont pas riches et leur imposer une amende, c’est difficile.

Les recorders [les juges de la cour Municipale] ont heureusement tourné la difficulté ; considérant que la plupart pêchent par ignorance, plutôt que par mauvaise volonté, ils ne condamnent qu’aux frais, en attendant le jour où tous et toutes seront renseignés et n’enfreindront plus la loi.

Ce jour viendra sans doute bientôt, car les marchands n’ont aucun intérêt à violer la loi : ils savent bien que quand les enfants n’achèteront plus de cigarettes, les petits dépenseront en bonbons les sous que leur donnent leurs parents.

La Patrie (Montréal), 30 mai 1910.