Mes amis dans la région de Portneuf
J’aime beaucoup la mise en mots poétique de la nature, ce que les Américains appellent la nature writing. Un ami et moi avons même fait pression pour la création d’un prix attaché à ce genre littéraire, comme par exemple, le prix du roman policier, à Saint-Pascal de Kamouraska. Mais apparence qu’il nous faudra faire campagne ailleurs que dans la région de Québec pour trouver preneur. C’est ainsi. Et dommage. Nous avions la bonne région pour ce prix.
Deux amis, l’un de Québec, l’autre de Saint-Raymond, ont publié, à quatre mains donc, un recueil de poèmes, de réflexions, après être allés se colleter au Bras-du-Nord, qui rejoint la rivière Sainte-Anne. Ils mettent en mots poétiques la nature de ce coin du monde
Jean Désy et Normand Génois qu’ils s’appellent. Aperçus.
Constamment choisir
entre la vraie et la fausse vie
entre le corps qui sait pourquoi il cogne
quand il fait froid
et l’esprit euphorisé par le simple fait
de se sentir bien
Vivre ne suffit pas
* * *
Cinq épinettes plantées face au nord
On dirait cinq sœurs
cinq filles pour diriger
un orchestre en forêt boréale
là où pépient les roselins pourprés
là où les mésanges fêtent le verglas
* * *
Cette ténuité dans l’immensité
ces corps de vie dans la neige qui semble morte
mais la neige n’est pas morte
ni les grandes épinettes
rien ne meurt l’hiver
rien ne dort tout vit
mais d’une vie qui est tout autre
que la vie des habitudes
* * *
Foncer dans l’hiver comme une perdrix
fonce dans son destin
ailes écartées
gorge palpitante
Les plus grands froids sont des baumes pour l’âme
merci aux bouleaux jaunes qui craquent
qui félicitent les pics chevelus
capables de défier janvier en rigolant
* * *
Au coucher du soleil
par moins vingt-quatre
des cocottes de mélèze
se tiennent serrées
Elles palpitent
enivrées par l’hiver
* * *
La rivière coulait par-dessus les glaces
le soleil filtrait entre les épinettes
un merle est venu vers nous
il s’est arrêté près de la rivière pour s’asperger
puis s’en est allé se percher sur un saule
pour y faire sa toilette
il est revenu sur le glaciel
encore plus proche de nous
fier de sa poitrine
comme un sang vif et neuf
dans le décor bleu
Jean Désy et Normand Génois, Bras-du-Nord (Montréal, Mémoire d’encrier, 2015).