Hommage à une «pelle à feu» qui risque la prison
Pas facile la vie de sage-femme. Une nouvelle en provenance de Berthier nous dit que Madame Beauchêne est dans de beaux draps.
Élise Durand, femme de Pierre Beauchêne, cultivateur de la paroisse de St-Cuthbert, sage femme, qui a été arrêtée, il y a quelques jours, sur un warrant du coroner du District du Richelieu, a été lundi denier admise à caution par son Honneur le juge Gill, sur requête de C. A. Chênevert, avocat de Berthier, et remise en liberté, en attendant son procès qui aura lieu le vingt janvier prochain, devant la Cour du Banc de la Reine à Sorel.
D’après les renseignements obtenus, nous sommes prêt à dire que ce n’est ni plus ni moins qu’une persécution qu’on voudrait exercer contre cette pauvre femme, qui est parfaitement innocente du crime dont on l’accuse, et cela de la part de certains médecins.
Madame Beauchêne est une de ces femmes habiles et fortes, destinée, dirait-on, par la Providence à soulager les maux de leurs semblables, en l’absence des personnes de l’art.
Là où demeure madame Beauchêne, on est à sept lieues des médecins, et la plupart des habitants de l’endroit sont pauvres, sans chevaux ni voiture, de sorte qu’il est très difficile de recourir aux médecins, même dans les cas de nécessité. Madame Beauchêne avait déjà six cents fois pratiqué l’art bienfaisant et surtout gratuit qu’elle exerce, quand elle fut requise d’aller secourir une jeune femme du nom de Gaillardet.
Madame Beauchêne s’y rendit la nuit à pied, dans des chemins impossibles, mais, voyant que le cas dont il s’agissait était grave, elle insista auprès des gens de la maison pour leur envoyer chercher un médecin, et elle-même se mit sur le chemin pour trouver une voiture, mais sans succès.
La femme Gaillardet, se sentant de plus en plus malade, insista auprès de madame Beauchêne pour l’assister dans sa maladie, et c’est là qu’arriva, sans la moindre conspiration de madame Beauchêne, l’accident dont on a voulu et dont on veut tenir madame Beauchêne responsable.
On nous assure même que d’après l’enquête du coroner et d’après la preuve faite, il n’apparaît pas du tout que madame Beauchêne puisse être accusée d’aucune offense en loi. C’est un grand coup qu’on a voulu porter, mais c’est un petit résultat qu’on obtiendra probablement.
Le Sorelois, 6 novembre 1885.
La photographie prise en 1931 est celle de Caroline Buckle, sage-femme et herboriste à Old Fort. L’image est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Sept-Îles, Fonds Groupe d’action et de développement économique et culturel de la Basse Côte-Nord, Photographies, cote : P12,S2,P268.