Rien d’intéressant à gagner Carleton à bord de l’Admiral
Une vue de Carleton-sur-Mer
La baie des Chaleurs en Gaspésie est un bien beau pays, mais quel désagrément que de s’y rendre en bateau, surtout avec l’Admiral ! Un quidam qui signe Viator [mot latin pour voyageur] décide d’écrire à La Patrie.
M. Le directeur,
Sachant que La Patrie est toujours disposée à se rendre utile au public, je prends la liberté de vous adresser quelques lignes pour signaler aux autorités compétentes un inconvénient sérieux dont souffrent les voyageurs qui vont à la Baie des Chaleurs.
Il y a à Carleton un excellent quai avec 11 pieds et demi [3, 5 mètres] d‘eau à la marée basse, et l’on s’attend naturellement à y débarquer commodément. Mais pour des raisons qu’on ne comprend pas très bien, le capitaine de l’Admiral se tient à distance respectueuse du rivage et fait descendre ses passagers dans une chaloupe, où les dames et les messieurs casés pêle-mêle, qui sur une caisse de savon, qui à califourchon sur un baril de farine, arrivent pitoyablement au rivage !
Pour les personnes accoutumées à voyager agréablement, cet abordage par trop primitif est extrêmement désagréable et, si le capitaine de l’Admiral persiste dans son étrange manière de faire, les touristes se dirigeront ailleurs, ce qui fera un tort grave à Carleton, qui, certes, ne mérite pas d’être traité de cette manière.
Il est grand temps que la direction de l’Intercolonial [la compagnie de chemin de fer], sous laquelle est placée l’Admiral, fasse cesser cet état de choses.
Il y va de ses intérêts, ainsi que du confort des voyageurs. Je suis sûr d’être l’interprète de toutes les personnes que la chose intéresse en demandant que les touristes ne soient plus assujettis à de semblables ennuis.
VIATOR.
La Patrie (Montréal), 31 juillet 1883.
