Le boxeur américain James J. Jeffries est Québécois par son grand-père maternel
Et le quotidien montréalais, La Patrie, en est fort heureux.
Cette origine canadienne-française de Jeffries, qui ne peut être sérieusement contestée, n’aura pas le don de plaire à ces yankees. Mais la vérité nous force à dire que Madame Jeffries, née [Rébecca] Boyer, était, par son père «Johnnie», originaire de St-Isidore, comté de Laprairie. L’une des premières visites de Jeffries lors de son récent passage à Montréal fut pour St-Isidore, ce lieu qui avait vu jadis grandir ses générations ancestrales.
Accompagné de Sam Berger, son associé et gérant, il parcourut St-Isidore, distribuant ça et là d’amicales poignées de main et causant longuement avec des parents que l ‘éloignement l’avait empêché de connaître. Il revint enchanté de cette promenade dans ce joli village et, sentant son sang, partiellement canadien-français, s’échauffer au chaud soleil de la province de Québec, il avoua se sentir plus fort pour reconquérir un titre qui appartient de droit à la race blanche.
Détail à noter et qui pour nous est très important, Jeffries parle très bien le français. Comme il le faisait lui-même remarquer lors de son passage ici, il n’avait qu’un regret, c’était de ne pas avoir plus souvent l’opportunité de converser dans cette belle langue.
Comme Noé Brousseau, d’ailleurs, et à un degré plus fort vue sa taille plus imposante, Jeffries possède ces qualités physiques qui caractérise le Canadien-français. Il tient de son grand-père Boyer cette endurance qui fait les vrais athlètes, qui a fait nos héros canadiens-français qui ont nom Gamache, Montferrand, Ouimet, Crevier, etc., etc. «Johnnie» Boyer lui-même, était un des forts à bras les plus réputés de son temps. Sa stature était pour le moins égale à celle de son descendant et sa force prodigieuse faisait l’admiration de ses contemporains.
Comme bon sang canadien-français ne saurait déchoir, il devait donc se trouver un de ses descendants pour atteindre les sommets d’un championnat mondial. Le hasard a voulu que le petit-fils portât un nom dont la consonance est un peu étrangère à notre langue, mais il n’en reste pas moins établi que celui qui sera le champion du monde le 4 juillet prochain est aussi canadien-français qu’il est américain.
Il allie en lui le jugement rapide et sûr du saxon à la valeur et à l’impétuosité françaises et ces qualités propres à deux races différentes jointes dans une individualité physique dont les proportions dépassent l’ordinaire ne peut produire que des résultats extraordinaires.
C’est avec la confiance que Jeffries ne trompera pas l’attente de ses admirateurs que nous attendons le 4 juillet prochain, jour où nous serons fiers à droits égaux avec les Américains de posséder parmi les nôtres un champion du monde.
La Patrie, 3 juin 1910.