Une troupe mexicaine à Montréal
Dans la presse québécoise ancienne, j’aime beaucoup lorsqu’on signale le passage d’un groupe d’étrangers. C’est l’occasion, presque à chaque fois, de vérifier comment la différence effraie, même dans une ville comme Montréal.
Depuis quelques jours, plusieurs roulottes habitées par une trentaine de personnes, hommes, femmes et enfants, sont stationnées au parc Royal, à Maisonneuve. Ces gens portent des costumes pittoresques, ont le teint basané et parlent entre eux une langue incompréhensible pour le commun des mortels du Canada.
Aussi le populaire les considère-t-il comme des êtres extraordinaires, et même redoutables. Certaines familles montréalaises les accusent même d’une multitude de forfaits dont les moindres seraient des vols de chevaux, de poules, de bois, et la mendicité.
Quelques représentants de ces étrangers sont venus, hier, à nos bureaux pour protester contre ces accusations et nous prier de les faire connaître exactement pour ce qu’ils sont. Avec plaisir, nous nous rendons à leur désir.
En réalité, les nouveaux habitants du parc Royal sont loin d’avoir l’air féroce qu’on leur prête, et l’on a grand tort de les confondre avec les Romanichels maquignons et voleurs de chevaux, d’enfants, etc., dont l’apparition dans nos campagnes est justement redoutée.
Ils composent simplement une troupe ambulante, du genre de celle de l’illustre Buffalo Bill, mais en petit, donnant des représentations quand l’occasion est propice.
Originaires de Los Vegas (Nouveau-Mexique), leur langue maternelle est l’espagnol.
Depuis trois ans, ils ont quitté leur pays et parcourent les États-Unis et le Canada à la façon de certains richards américains quoique beaucoup moins confortablement.
«Nous devions, nous a dit l’un d’eux, donner une représentation dimanche dernier, mais le froid a fait rater le projet. Nous voulons passer l’hiver à Montréal et nous remettre en route au printemps; malheureusement la mauvaise réputation que l’on nous a injustement faite nous a, jusqu’à présent, empêchés de trouver une maison à louer.
«Nous serions cependant d’aussi bons locataires que n’importe qui. Nous vivons honnêtement, ne faisant de mal à personne et nous payons nos dettes.»
La troupe comprend sept hommes, sept femmes et dix-neuf enfants. Son directeur est M. Pedro Lucas.
Le programme de ces représentations comporte des chansons indiennes, de danses de guerre et autres, des exercices de tir, etc.
La Patrie, 26 octobre 1905.