«Le travail des femmes»
Il y a 100 ans, nous étions bien loin de l’équité salariale; d’ailleurs, nous n’y sommes même pas encore aujourd’hui, en 2015. Mais le travail des femmes prenait alors de plus en plus d’importance. Cet article de l’hebdo montréalais Le Bulletin, du 30 juin 1907, le confirme.
Un recensement qui vient justement d’être publié, à Washington, indique que sur cinq femmes âgées de plus de seize ans aux États-Unis, l’une au moins gagne sa vie, recevant un salaire pour un emploi en dehors du foyer domestique, et sur trois jeunes filles, âgées de seize à vingt ans, une au moins est une salariée.
C’est là la caractéristique dominante de ce siècle !
Ce qui est vrai des États-Unis l’est aussi dans une mesure de jour en jour plus grande, du Canada.
Le nombre de femmes qui travaillent augmente rapidement et celles-ci étendent sans cesse la sphère de leur activité industrielle. Elles sont aujourd’hui sur un pied d’égalité avec l’homme, et, dans bien des cas, elles prennent sa place, et la vieille théorie que l’homme est le gagne-pain de la famille est aujourd’hui démolie par des faits de la plus haute portée psychologique, prouvant hors de tout doute que la femme est devenue un facteur puissant du progrès industriel sur la terre démocratique du nouveau-monde.
Petit à petit, de sa propre initiative, la femme a abordé avec succès des emplois de diverses natures, et elle a démontré qu’elle est apte à exécuter des travaux de beaucoup supérieurs aux travaux domestiques, pour lesquels de tout temps on la croyait destinée.
Au Canada comme aux États-Unis, l’instituteur mâle tend à devenir aussi rare que le sténographe masculin. Le fait qu’aux États-Unis une jeune fille sur trois gagne sa vie par son propre travail ne démontre-t-il pas d’une façon manifeste que, si elle vient à se marier, et à fonder subséquemment une famille, elle a acquis un titre à son indépendance, qui lui vaudra d’être capable de pourvoir à sa propre subsistance, quand viendront les jours d’adversité, et à celle de sa famille ?
Habitués comme nous le sommes à considérer ici l’homme comme le véritable gagne-pain de la famille, il semble impossible de concevoir qu’aux États-Unis, il n’y a que cinq fois plus d’hommes que de femmes qui occupent des emplois lucratifs et c’est là surtout le côté révélateur des récentes statistiques américaines.
Et si comme cela n’était pas suffisant, on a réussi à établir par des chiffres que le nombre de jeunes garçons qui reçoivent un salaire pour leur travail n’est que de trois fois supérieur à celui des jeunes filles gagnant leur vie, fillettes de seize à vingt ans, qui n’ont pas encore eu le temps pour la plupart de penser sérieusement au mariage.
Naturellement, si l’on prend la population globale des hommes et des femmes en état de travailler aux États-Unis, la proportion est grandement en faveur du sexe fort, mais il n’en est pas moins excessivement intéressant de constater que le nombre «d’ouvrières» s’élève au chiffre fantastique de 4,833,000.
Il y a là, sûrement, de quoi à faire rêver le moins enthousiaste des partisans du féminisme, en Canada !