Décès du poète Paul Verlaine
Le 1er février 1896, le quotidien montréalais La Patrie souligne la mort de ce cher Paul Verlaine (1844-1896). L’article n’est pas signé, mais provient assurément de France.
Le grand événement littéraire de la semaine a été la mort du poète Verlaine le mercredi 8 janvier.
M. Laurent Tailhade donne de curieux détails sur sa vie et son œuvre dans le Voltaire.
Malgré le «conseil falot» de Jadis et Naguère :
Bois pour oublier !
L’eau-de-vie est une
Qui porte la lune
En son tablier !
On a fort exagéré l’ivrognerie de Verlaine. Qu’il ait demandé, comme tant d’autres martyrs intellectuels, un peu d’oubli à la Muse verte [l’absinthe], c’est chose indéniable.
Mais, depuis longtemps déjà, ses fidèles de la dernière heure, Charles Morice, A. F. Cazuls et sa gracieuse amie tempéraient, en cachette, d’un mouillage abondant la funeste liqueur, cependant que les séjours réitérés du poète à l’hôpital le privaient utilement de la «goutte» coutumière.
Verlaine, comme tous les buveurs «pour oublier», se montrait fort sobre à ses repas, attendant les heures tristes pour s’ingurgiter de l’alcool. Cette hygiène fut celle de Musset, qui ne prenait à table d’autre boisson que du thé. Le chantre des «Nuits» exécrait le vin et se saoulait exclusivement avec une mixture odieuse, faite de bière, d’absinthe et de curaçao.
Dans le triste quartier de la Montagne Sainte-Geneviève, parmi les rues tortueuses et mal odorantes, j’ai trouvé plus navrant que l’hôpital ce logis où Verlaine rendit son dernier soupir.
Sur le lit drapé de blanc, sur le lit pieusement jonché de lilas blancs et de roses hivernales, le poète est endormi.
Son noble visage, dont la mort précise et ennoblit les traits, garde encore, ça et là, des plaques de hâle dont les teintes chaudes prolongent l’illusion de la vie. Son front vaste et majestueux comme la voûte d’un temple, son front touché par le baiser sanctimonial de la Muse, penche un peu vers l’oreiller, appesanti, semble-t-il, par de lourdes pensées.
Et, malgré l’horreur banale du logis, malgré l’escalier empuanti de chlore, malgré les banquistes préparant pour demain leurs réclames funéraires, quelque chose de grand apparaît autour de ce cadavre. Désormais, Paul Verlaine appartient à l’admiration des hommes. La Gloire veille debout à son chevet funèbre. Filialement, elle couronne le divin poète, le maître sonore d’une palme verdoyante, symbole de jeunesse et d’immortalité. […]
* * * * *
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?
*
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !
*
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?
Ce deuil est sans raison.
*
C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !
Paul Verlaine
La photographie de Paul Verlaine quelques heures après son décès provient du site Moïcani — L’Odéonie.
Voir ce site sur Paul Verlaine.
Paul Verlaine est au cimetière des Batignolles au nord du XVIIe arrondissement à Paris. Mon ami Jacques Bertin m’écrit qu’il vivait rue Descartes, et on retrouvait juste en face de chez lui le Bateau ivre, cabaret rive gauche. Arthur Rimbaud en fit un poème, Le Bateau ivre, qu’il envoya à Verlaine avant de le rejoindre à Paris.
Bonjour,
Votre article est très touchant et l’évocation de Paul est très belle et assez juste.
Par contre, le post-mortem que vous publiez ici est un montage. Il n’existe aucune photo de Paul Verlaine sur son lit de repos éternel.
Bien Cordialement,
Marc
Merci, merci beaucoup de cette précision, cher Vous.
Vous savez que, sur ce site, ce billet est beaucoup visité.
Et constamment.
Verlaine est aimé.