La vie de prophète du temps qu’il fera n’est pas facile
Car rien ne change plus rapidement que le temps du nord-est de l’Amérique du Nord, livré aux courants froids du nord-ouest du continent et au temps chaud et humide de cette bouilloire qu’est le golfe du Mexique, la mer la plus chaude du monde. Aussi, encore aujourd’hui, cet endroit sur la Terre est un lieu béni pour les météorologues, qui y gagnent bien leur vie.
Durant le dernier du 19e siècle, deux prophètes du temps, des audacieux, bien sûr, se lancent à prédire. Voici, à Montréal, Henry George Vennor (1840-1884), qui ne s’intéresse pas qu’à la vie des oiseaux, mais également au temps qu’il fera. À Ottawa, il se nomme Stone Wiggins (1839-1910), une sorte de héros local.
Ce Wiggins commence déjà à avoir la mèche courte en 1882. Le quotidien de Québec Le Canadien, du 28 décembre 1882, raconte.
M. Charles Haswell, de New York, qui a des intérêts maritimes importants, a cru devoir demander des informations détaillées à l’astronome Stone Wiggins, d’Ottawa, Canada, au sujet d’une tempête qu’il a prédite pour le mois de mars prochain par une lettre adressée spécialement au président [des États-Unis, Chester] Arthur.
La réponse de M. Wiggins à ces demandes de renseignements est peu satisfaisante pour la curiosité de son correspondant. Tout en maintenant sa prédiction, il refuse de révéler quant à présent les causes sur lesquelles elle est fondée.
«Considérant, dit-il, la sévérité avec laquelle j’ai été traité par la presse, je n’ai pas l’intention de publier les données d’après lesquelles j’ai prédit la grande tempête avant que cet événement soit accompli.
«D’autre part, il est des phénomènes associés avec les positions des planètes qui ne sont connus que par l’observation, en sorte que personne autre que mois ne pourrait être un juge compétent. Je vous conseille de rappeler vos ouvriers et de rentrer les matériaux de construction de tous les travaux maritimes que vous dirigez avant le 5 mars; car vous verrez la plus furieuse tempête qui ait visité l’Amérique depuis 1780. Mais il y aura comparativement peu de dommage sur terre…
«Si j’étais propriétaire de navires, je n’en laisserais pas un seul sur l’Atlantique les 9 et 10 février, ni les 9, 10 et 11 mars, quoique la première tempête doive être inférieure à la seconde.
«Après le milieu d’avril, vous pourrez commencer vos travaux maritimes, en sûreté, car alors commencera une longue période exempte de grandes tempêtes. Suivez mon avis et vous économiserez des milliers de dollars.»
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Au sujet de cette tempête, Le Canadien du samedi 10 mars 1883 écrit : «Entendons-nous, a dit Wiggins, hier, à un reporter. On paraît ne pas m’avoir compris, et pourtant mon almanach le dit en toute lettre. La tempête ne devait porter le neuf que sur la côte nord du Pacifique. Elle ne doit frapper notre continent du sud-est encore, que le 10. Elle ne parcourra le continent de l’est à l’ouest au sud de la parallèle 45e demain. […] Rappelez-vous bien que sous notre méridien, la tempête ne doit pas sévir avant le 11. Elle durera probablement plusieurs jours ensuite.»
Le lundi 12 mars 1883, le quotidien de Québec doit admettre que «Wiggins a eu un peu raison» et décrit la tempête sur la côte Atlantique, depuis la Caroline du Nord jusqu’à Halifax, en Nouvelle-Écosse.
La gravure de Stone Wiggins en 1888 provient de la page Wikipédia en langue anglaise qui lui est consacrée.
Des « phénomènes associés avec les positions des planètes qui ne sont connus que par l’observation… » Je sais bien que la lune a une influence connue sur les marées, les vents(et ce qu’ils peuvent apporter), mais les planètes ? Est-ce ainsi qu’on déterminait les prévisions annuelles pour les « Almanachs du peuple » ? Prévisions qui m’ont toujours fait sourire…
Ah, chère Esther, au fil des ans, j’ai trempé, seul ou avec d’autres, dans plusieurs publications, mais jamais dans les almanachs. Aussi, je ne pourrais vous dire si c’était la manière de faire.