Ah Québec !
Ce qu’on a chanté cette ville ! L’Album universel du 31 décembre 1904 en rajoute.
Voici une description que fait de cette pittoresque ville un voyageur dans une lettre à un de ses amis :
Une de ces singulières calèches canadiennes, qu’on appelle des «cabs», boîte carrée qui se balance sur deux roues, m’a conduit rapidement de l’embarcadère à l’hôtel Saint-George. À quelques pas de là est la vaste terrasse, construite par Lord Durham, au pied des bastions, sur l’emplacement jadis occupé par le fort Saint-Louis, et où est construit le bel hôtel «Château Frontenac».
J’ai couru sur cette terrasse dès mon arrivée, et j’y suis resté je ne sais combien de temps, absorbé dans un de ces rêves où l’on oublie la fuite des heures. Ce que je vous ai souhaité là avec votre enthousiasme pour les beautés de la nature ! que j’aurais voulu vous voir appuyé sur la balustrade et contemplant l’immense panorama qui s’offrait à mes yeux !
C’est sans aucun doute l’un des spectacles les plus saisissants, les plus extraordinaires qu’il soit possible d’imaginer.
Autour de moi, la ville descendant en pente abrupte jusqu’au bord du fleuve, s’alignant le long des eaux, enlaçant dans sa nature, bigarrée de toutes sortes de couleurs, les flancs d’un promontoire, en face de la pointe de Lévis, avec ses gradins de maisons blanches, ses champs et ses bois.
À gauche, le large ravin par lequel la rivière Saint-Charles se joint au Saint-Laurent, le riant village de Beauport, qui, le long de la colline, se déroule, comme un chapelet de nacre, jusqu’aux chutes de Montmorency; à quelque distance, l’île d’Orléans, une île de sept milles de longueur sur cinq de largeur, qui renferme cinq belles paroisses, et que le fleuve, dans sa puissance, embrasse comme un grain de sable.
À l’horizon, les sombres rives du cap Tourmente, première chaîne des sauvages montagnes qui s’étendent jusqu’aux neiges éternelles des régions polaires, et, de quelque côté que mon regard se tourne, le fleuve, calme et superbe, qui s’en va d’ici, avec ses chaloupes, ses goélettes, ses bâtiments à trois mâts, se marier à la mer, comme un roi dans toute la pompe de son pouvoir.
Le journaliste Ulric Barthe a aussi proposé en 1900 un beau texte sur Québec.
Surprise je suis de voir encore en 1904, le nom de Lord Durham associé à la terrasse… Ne portait-elle pas déjà le nom de terrasse Dufferin à cette époque puisque c’est autour de 1870 que ce dernier a mis de l’avant la construction de la plus grande partie(300 m) avec les kiosques ?
Oui, mais, en histoire, les noms anciens continuent de vivre longtemps. Il faut en ce moment, dans la région de Québec, par exemple, demander aux gens où ils habitent. Malgré les fusions, ils répondent encore l’ancien nom de leur municipalité disparue au profit de la plus grande.
Oh, pour ça, les anciens noms qui durent et perdurent, je vous comprends… Dans mon secteur de la rive-sud, on parle encore de Bernières avec les plus anciens habitants, alors que c’est fusionné à St-Nicolas depuis 20 ans déjà…
Disons que… pour ce qui est de Lord Durham, ce nom me ramène automatiquement des moments passés plutôt difficiles pour les Canadiens-français… C’est comme un petit coup de griffe ressenti à chaque fois.
Coup de griffe, c’est certain, chère Vous. D’autant plus que le Château Frontenac étant maintenant dans le décor puisque son nom apparaît dans le texte, cela veut dire qu’il s’est passé plus de 50 ans depuis que le Durham en question est retourné chez lui. Disons que le scripteur n’est vraiment pas à jour dans ses informations. Après le départ de Dufferin de Québec, il y eut un court débat au sujet du changement de nom de la terrasse de Durham à Dufferin, mais rapidement on s’est rangé pour Dufferin.