Avant que novembre ne cède sa place…
Un dernier mot sur ce mois, celui de ce cher Alphonse Lusignan encore une fois. La Gazette de Joliette du 12 novembre 1886 lui laisse tout l’espace voulu.
Novembre s’ouvre par un glas. Aucun mois n’est plus désolé. Sa consécration au culte des morts et l’inénarrable tristesse de la nature en font l’époque la plus lugubre de l’année. C’est l’heure où l’homme songe forcément à ses fins dernières, et, faisant un retour sur lui-même, devient meilleur.
Les premières gelées de septembre ont mordu les feuilles vertes, octobre a rougi les plaines et jauni les érables, c’est vrai, mais le soleil a des rayons encore ardents, la brise qui passe dans les bras décharnés des grands arbres est encore tiède; l’été des sauvages, comme un regain de jeunesse, réchauffe le cœur et les membres.
Ce sont les adieux de la belle saison, mais novembre venu, tout ce qui faisait le charme de l’été, la forêt vivante, le parterre odorant, la chanson des nids, la moisson dorée, l’eau limpide, tout, jusqu’au léger nuage blanc, tout a changé, ou disparu.
Le ciel est blafard, l’onde est troublé, le bois se déserte, les nuées sont grisâtres; le pied des bestiaux foule le chaume, les nids sont vides, la plaine nue, la vie absente. Ce n’est plus l’automne salubre qui rit dans les arbres chargés de fruits, et ce n’est pas encore l’hiver au blanc frimas.
L’homme soucieux et prudent se précautionne contre les mois rudes. Les doubles croisées apparaissent aux fenêtres, on clôt toutes les ouvertures : l’ouate molle bouche les interstices. Le père de famille jette un œil inquiet sur son bûcher. Le jour est court et la lampe s’allume de bonne heure. La veillée sera longue. Adieu les promenades dans l’air balsamique ! La pluie fouette les vitres, ou la grêle crépite sur le toit, ou la neige tombe en flocons drus.
Les chaudes fourrures sentent le camphre, sortant des armoires et des coffres. La boue forte des campagnes, la boue sale des villes s’attache à vos semelles. Vienne donc l’hiver plutôt et au plus tôt !
» Si le vent parle plus vite que nous le son du silence mène vers cette lenteur
grisonnante quand arrive novembre « .
Ô là là, Madame ! Et qui a écrit ce mot, dites donc ?
Moi-même ! Il m’arrive de faire dans la poésie !
Je Vous remercie doublement alors ! Bravo !