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Réflexions sur la Saint-Jean-Baptiste

jerome adolphe chicoyneEn 1904, la Saint-Jean-Baptiste (24 juin) boitille. «Fête nationale des Canadiens-français» créée 70 ans auparavant, elle se cherche. Alors, un des rédacteurs du journal La Patrie demande au député conservateur du comté de Wolfe à Québec, Jérôme-Adolphe Chicoyne, «une réponse aux questions posées récemment par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal».

Selon cet observateur, ne perdons pas notre temps d’abord à discuter de la «partie religieuse» de la fête; on n’arrivera jamais à changer la date de la commémoration de la naissance de saint Jean-Baptiste, le 24 juin.

Mais, au sujet de la célébration civile ou patriotique de la fête, «il ne saurait y avoir divergence d’opinion». «Il est désirable qu’on en fasse l’occasion d’une démonstration populaire, autant et aussi souvent que la chose est possible. Ce serait mentir au sang qui coule dans nos veines, ce serait faillir à notre mission que de négliger une source si propre à fortifier le sentiment national, un moyen si efficace de «rendre le peuple meilleur», selon la devise si heureusement conçue par nos devanciers.»

Cela dit, faut-il qu’on applique la même manière de fêter à l’ensemble de la population du territoire ? «Je ne crois pas à l’opportunité d’un programme uniforme. Laissons, sur ce chapitre, la plus grande latitude à l’initiative locale. Il est possible que, dans certains endroits, la fête donne lieu à des scènes burlesques. C’est avec raison qu’on a dénoncé ces mascarades de Mardi Gras qui, parfois, viennent gâter l’ordre et la beauté des processions, d’ailleurs organisées avec de louables intentions. Mais le bon sens et le bon goût des gens éclairés ne tardent pas à faire disparaître de tels abus.»

Et Chicoyne retient l’idée nouvelle qu’on fasse coïncider la distribution des prix aux enfants des écoles primaires avec la fête de la Saint-Jean-Baptiste. «Cette suggestion fut mise en pratique dès l’été qui vient de finir avec les résultats les plus heureux. Dans une douzaine de localités différentes, les autorités scolaires ont adopté ce nouveau mode de couronner les travaux de l’enfance studieuse. Pourquoi ce noble début ne servirait-il pas d’exemple à toutes les municipalités de la Province ? […] Avant de chercher à l’horizon pour découvrir des plans d’actions, tirons donc parti de celui-là qui est à notre portée, qui ne peut soulever d’objections et qui a déjà subi un essai très encourageant

Et méfions-nous de ceux qui seraient tentés d’utiliser la fête pour leur propre cause. «Le patriotisme fut mis à toutes les sauces, y compris la sauce politique qui n’est pas la moins pernicieuse. On a recouvert du drapeau national un trop grand nombre d’œuvres qui, en réalité, n’étaient que des entreprises. À force d’entendre chanter qu’il fallait être pratique, nous avons cru, par moment, que l’amour de la patrie ne pouvait plus exister que sous des formes concrètes et matérielles. [La fête nationale] se transforme en pierre de scandale chaque fois qu’elle tombe au service d’intérêts particuliers ou qu’elle devient, comme la chose est arrivée dans le passé, un levier entre les mains de faiseurs d’affaires ou plutôt de faiseurs de dupes. Voilà le danger à prévoir et à détourner.»

Et Chicoyne d’y aller de ces conseils : «Soyons donc sur nos gardes ! Tout en nous efforçant de répandre et populariser la coutume de chômer la St-Jean-Baptiste, tâchons qu’elle ne dévie jamais de son but sublime : rendre le peuple meilleur, en l’instruisant, en fortifiant ses convictions, en l’édifiant de toutes manières. Défions-nous de ceux qui, par manque de civisme et par fausse éducation, ne voient en toutes choses qu’un objet de trafic et seraient prêts à commercialiser même le patriotisme, si on leur laissait le champ libre.»

Source : La Patrie, 15 octobre 1904.

 

La photographie c-haut est celle de Jérôme-Adolphe Chicoyne. Elle fut prise à Sherbrooke, chez Presby Elite Studio, vers 1900. Elle est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Collection Centre d’archives de Québec, Documents iconographiques, cote : P1000, S4, D83, PC80.

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