Skip to content

Comment se vivait une élection dans le comté de Trois-Rivières en 1887

Il est bien rare, sur ce site, que nous abordions la vie politique telle que relatée dans les journaux québécois d’il y a plus de 100 ans. Mais y revenir, à l’occasion de l’élection fédérale du 22 février 1887 dans le comté de Trois-Rivières, permet quand même de constater le chemin parcouru depuis ces jours anciens.

Le 4 mars 1887, l’hebdomadaire Le Franco-Canadien s’arrête à l’élection dans Trois-Rivières, «pour donner une idée, écrit-il, des moyens honteux que tout honnête homme devrait repousser en refusant de s’associer plus longtemps avec un parti pourri et sans moralité».

Là, se présente pour ce parti au pouvoir à Ottawa, le Parti conservateur dirigé par John A. Macdonald, un candidat connu, Hector-Louis Langevin. Il l’emporte par 12 voix, survit à peine grâce à l’influence de l’évêque de la place Louis-François Laflèche, qui appuie les «francs conservateurs», et d’une «solide organisation».

Laissons la parole au Franco-Canadien :

Cela sera suffisant pour édifier nos lecteurs, et nous nous dispenserons d’en dire davantage. Langevin a été élu avec une douzaine de voix. Mais Dieu sait comment cette misérable face patibulaire a pu obtenir son élection, qui va être contestée sans délai.

On a offert jusqu’à $1,500 pour l’abstention de l’un des principaux partisans de M. Pelletier.

On ne s’est pas contenté de faire couler l’or à flot afin de corrompre les consciences; on a ouvert des buvettes où les électeurs par centaines allaient boire au compte de M. Langevin; on s’est fait un plaisir d’enivrer les électeurs afin de les corrompre plus aisément. Des gangs de bullies, à la solde de M. Langevin et payés chacun jusqu’à $15 par jour, ont paradé dans les rues, assommant sur leur passage, avec des mains de fer, les citoyens paisibles, à tel point que l’on eût cru que la ville était à la merci d’une bande de brigands.

Les citoyens paisibles alarmés ont été obligé de faire venir la police provinciale, et de se constituer en comité de salut public pour se protéger contre ces assommeurs. Des délégations d’hommes les plus respectables sont allés trouver Sa Grandeur Mgr Laflèche pour lui dénoncer, avec la preuve en main, ces scènes de désordres qui montrent ce dont peuvent se rendre coupables les meurtriers de [Louis] Riel et ceux qui applaudissent à ce meurtre.

Il s’est passé des scandales hideux dont la morale nous interdit de parler.

Si M. Langevin avait du cœur, il comprendrait que sa honteuse victoire remportée à force d’argent, de boisson et de coups de poings, avec une majorité de la banlieue, est une défaite humiliante, et il n’attendrait pas pour résigner que le bras vengeur de la justice ne l’y contraigne en mettant au grand jour toutes ces turpitudes sans nom.

 

Pour les personnes intéressées, il faut savoir que mon maître Jean Hamelin et son frère Marcel, lui aussi historien, ont publié en 1962, aux Éditions du Jour, à Montréal, l’ouvrage Les Mœurs électorales dans le Québec de 1791 à nos jours. Le livre est épuisé, mais je le vois passer régulièrement chez les bouquinistes et on peut assurément le trouver sur internet.

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS