Erin go Bragh
Les Irlandais sont beaucoup aimés. Dans la presse québécoise de 1900, du moins celle de langue française, invariablement, lorsque survient le 17 mars, leur fête nationale, on y va d’un mot fort sympathique précisément pour eux. Voici, par exemple, celui du quotidien montréalais L’Étendard, le 17 mars 1883.
Nos concitoyens d’origine irlandaise célèbrent aujourd’hui la fête de leur glorieux patron, St-Patrice. Nous sommes heureux de saisir cette occasion pour leur souhaiter toute la félicité à laquelle ils ont droit de s’attendre sur notre terre canadienne. Nous leur ouvrons les bras aujourd’hui, comme nous les leur avons ouvert en 1848 lorsqu’ils débarquaient sur nos bords. Puissent-ils dans notre paisible pays jouir de cette paix et de cette liberté pour lesquelles ils combattent depuis trois siècles dans leur pays.
Encore une fois, cette liberté dont les fils de St-Patrice ne peuvent jouir dans leur verte Erin, ils la trouveront toujours sur les bords hospitaliers du St-Laurent, et nous serons toujours heureux de recevoir sur ces mêmes bords les nobles fils de St-Patrice.
Dans ces temps troublés et ces vicissitudes par lesquelles passe l’Irlande, nous joignons nos prières à celles des douze millions d’Irlandais pour demander que la paix et la prospérité renaissent dans la verte Erin.
Erin go Bragh.
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Le quotidien montréalais La Patrie, lui, du 17 mars 1904, écrit :
C’est aujourd’hui la Saint-Patrice, la fête nationale de l’Irlande.
Les Irlandais ont bien souffert; leur histoire pendant des siècles fut un martyrologue.
Ils ne sont plus une nation, au sens politique du mot; depuis un siècle, des millions d’Irlandais, la sève et la jeunesse de la race, ont quitté les bords de l’île d’émeraude.
Mais des jours meilleurs se lèvent pour la race martyre. Les rameaux séparés du vieux tronc se rapprochent; protestants et catholiques fraternisent aujourd’hui.
Là-bas, dans le pays enchanté qui fut leur berceau, les fils de Saint Patrice marchent à la conquête de la liberté politique. Ils ont obtenu hier la grande charte qui remettra au paysan la terre de ses pères; ils auront demain la loi qui rehaussera la condition du travailleurs des villes et des villages, celle qui assurera à tous la haute culture littéraire.
Les querelles d’autrefois sont oubliées; un parti uni serre aujourd’hui ses rangs autour de son chef élu et ce sera, ce soir, l’un des plus émouvants incidents, ces banquets de la Saint-Patrice, de Dublin à Montréal et de Cape Town à Sydney, et à Melbourne, que la lecture de ce simple télégramme de Redmond, qui vient chaque année conforter les cœurs et les âmes : God save Ireland ! — Dieu protège l’Irlande !
Les Irlandais sont une race glorieuse et fière, et ils ont ajouté au patrimoine de science et d’honneur de l’humanité.
Dispersés sur tous les points du globe, par le vent des persécutions, ils ont noblement payé aux pays qui les ont abrités leur dette de reconnaissance. En France, en Espagne, en Autriche, aux États-Unis, en Afrique du Sud, en Australie, au Canada, les noms irlandais comptent parmi les plus illustres.
Irlandais et Canadiens français n’ont peut-être pas toujours, dans ce pays, marché assez près les uns des autres. Mais il devrait leur suffire de le vouloir pour s’entendre, pour tourner au bien de la patrie commune toutes leurs énergies.
Et c’est du fond du cœur que nous crions aujourd’hui à la vieille Irlande, à la noble race irlandaise, notre admiration profonde, nos souhaits de grandeur et de prospérité.
Vive l’Irlande !
Erin go bragh !