L’embellissement venu du verglas
Dans l’Album universel du 4 mars 1905, le chroniqueur Gaston-P. Labat (1843-1908), grand voyageur, chante la beauté de l’hiver québécois et l’embellissement soudain que le verglas confère aux choses.
À propos d’hiver, l’encre a plusieurs fois gelé cette année au bout de ma plume. Cela n’est pas surprenant, surtout quand on voit le baromètre nous faire un pied de nez pour aller ensuite se cacher sournoisement… en dessous de zéro, et cela dans les grands prix. Pour moi, je trouve cela admirable, réconfortant et réchauffant, car j’écris à ceux qui m’écrivent de France sur les «quelques arpents de neige», que la neige d’ici est le soleil d’hiver du Canada…
En effet, moi qui ai vu la mer en furie, les montagnes briser leur front orgueilleux dans les nues, le désert et son poussiéreux manteau de sable, la prairie en feu, cet autre désert de verdure, je ne trouve rien de plus beau que cette immense étendue de neige, couvrant, comme d’un manteau d’hermine, le Canada.
Les scènes y sont admirables, et je n’en citerai qu’une qui m’a fort impressionné, la semaine dernière… Gens, animaux, bâtiments et nature étaient givrés comme de la vanille de première qualité. Surtout les arbres qui ressemblaient à des stalactites de dentelle, ou, pour mieux dire, à des fils de la Vierge tombés du ciel.
Sur la rue, gens, chevaux et maisons semblaient être en sucre candi qui faisait venir l’eau à la bouche; les monuments publics, surtout celui de Maisonneuve, ressemblaient à du marbre le plus blanc, et l’étamine blanche de son drapeau paraissait aussi virginale que celui que Jeanne d’Arc portait sous les murs d’Orléans.
Cette photographie des effets du verglas sur les Plaines d’Abraham, à Québec, fut prise par Omer Beaudoin en 1949. On la retrouve à Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds ministère de la Culture et des Communications, Office du fil du Québec, Documents iconographiques, cote : E6, S7, SS1, P74535.
