«Ayons un chant national»
Quelle surprise ! À la une du quotidien La Patrie, le 16 mars 1893, un citoyen de Marieville, au cœur de la Montérégie, à 40 kilomètres au sud-est de Montréal, réclame ce que nous appelons aujourd’hui un hymne national, et ce pour le Québec ! Bien plus, il crie l’indépendance du Québec !
Si un homme quelque fois personnifie un drapeau, ayons un chant qui redise nos espérances et nos aspirations à la création future d’un peuple libre sur les bords du Saint-Laurent.
Bien déçu sera celui qui ne croira pas aux fortes tendances de ce peuple opprimé et traité en paria à se libérer des entraves qui le retiennent à la confédération; et je crois sincèrement que ce sera le mieux pour tous les intéressés; car cet accouplement forcé n’a donné aucun bon résultat, et, comme il est facile de le voir, les choses sont loin de s’améliorer. Au contraire, tout va de mal en pis.
Mais, dans ce désarroi général, vivons dans l’espérance d’un sort meilleur et chantons-le bien haut, des rives de l’Outaouais aux confins de la Gaspésie : Vive l’indépendance !
À quand notre Rouget de l’Isle ? [Rouget de l’Isle est l’auteur de l’hymne national de la France, La Marseillaise.]
Marievillien.
NOTE DE LA RÉDACTION — Il existe déjà un grand nombre de chants nationaux dont plusieurs mériteraient d’être popularisés. Citons-en quelques-uns : O Canada, mon pays mes amours, de George Étienne Cartier, une chanson de l’historien Garneau, dont nous ne nous rappelons pas le titre, Le drapeau de Carillon, de Crémazie, La paix, la liberté, de N. Aubin, Vive la France, de Fréchette, Restons Français, par Rémi Tremblay. La musique de ces deux dernières a été faite par feu Calixa Lavallée. Un journaliste français écrivait dans le temps que Restons Français était la Marseillaise Canadienne.
Le chant national le plus récent est celui de l’abbé Burque qui chante nos vertus sur l’air «En roulant ma boule» et qui se permet avec les règles de la versification des familiarités peu respectueuses.
Il y en a donc pour tous les goûts. Voulez-vous de la haute poésie ? Vous êtes servis à souhait.
Vous fait-il quelque chose de baroque et de trivial ? Vous l’avez.
Et tout cela à profusion.
Seulement, on livrerait dix Marseillaises par jour que chaque matin il y aurait quelqu’un qui dirait : «Si nous avions un chant national !»
À ma connaissance, jamais ce texte du Marievillien ne fut repris, où que ce soit, après sa première publication dans La Patrie en mars 1893.