La chanson politique satyrique
Qui s’attaquera un jour à une grande histoire de la chanson québécoise devra prendre en compte la chanson politique du dernier tiers du 19e siècle. Elle fleurit alors. Le moindre combat politique inspire les malins, qui ne signent à peu près jamais leur création. En voici un exemple.
Nous sommes en février 1891. Le 5 mars, se tiendront des élections fédérales, à l’échelle du Canada donc. Le vieux John A. Macdonald, 76 ans, père de la Confédération en 1867, s’accroche, est incapable de tirer sa révérence. Au Québec, on lui préfère Wilfrid Laurier qui, à 50 ans en novembre prochain, n’est tout de même plus tout à fait une jeunesse. Le quotidien La Patrie, du 16 février 1891, propose cette chanson, à l’air connu de tous.
Chanson des patriotes de 1891
Air : — En roulant ma boule en roulant, en roulant ma boule.
1er couplet
Dis donc, Baptiste, es-tu content,
En roulant ma boule,
Les élections s’font maintenant !
Rouli roulant ma boule roulant
En roulant ma boule en roulant
En roulant ma boule.
2e
C’est-y un tas de sacripants
Qui te représentent au parlement !
3e
T ‘ont-ils blagué assez longtemps
En te volant tout ton argent,
4e
Pendant que tu te tournes les sangs
Dans les chantiers et dans les champs !
5e
J’en ai assez de ces brigands !
Je veux jeter Johnny au vent
6e
Avec tous ses aides-de-camp
Chapleau, Ouimet, Lépine, Curran,
7e
Qui s’moquent pas mal des habitants,
Des ouvriers, des artisans,
8e
Quoi font la noce à nos dépends
Et votent quand même que noir et blanc.
9e
Il nous faut des représentants
Qui nous défendent en parlement,
10e
Qui ne soient pas des fainéants
À quatre pattes ou rampants
11e
Devant John A., le vieux serpent,
Qui a brûlé le parlement,
12e
Pendu Riel, il y a cinq ans,
Tué les hommes et les enfants.
13e
Le vieux brûlot, avec ses gens,
Va donc enfin sacrer son camp !
14e
Les Canayens sont pas contents :
Ils l’verront bien avant longtemps.
15e
Vive Laurier, notre commandant
Avec David son lieutenant.
16e
Ils sont com’nous, d’honnêtes gens
Nous vendront pas au vieux tyran;
17e
Il n’y a pas assez d’argent
Pour qu’ils soient traîtres à leur serment.
18e
Marchons donc aux polls en criant
Hourra ! hourra ! Tous en avant !