Le second carnaval d’hiver de Montréal
À Montréal, le second grand carnaval, qui dure une semaine, se termine le dimanche soir 10 février 1884 par un grand feu d’artifice au sommet du mont Royal.
Dans La Patrie du 14 février, un chroniqueur anonyme y va d’un bilan. Et, manifestement, «les belles Canadiennes» l’ont charmé.
Le carnaval est passé.
Les organisateurs avaient mis tout à contribution pour procurer aux Montréalais et aux étrangers le plus d’amusements possibles, et ils peuvent être fiers des résultats.
Les processions aux flambeaux, les courses à la raquette, les mascarades, les courses de chevaux, les promenades en voiture, les bals, etc., rien n’a manqué pour faire de la semaine dernière une série de fêtes éblouissantes.
Je ne vous parlerai pas du palais de glace, de ce chef-d’œuvre étrange qui fascine le regard, car tout ce que je pourrais dire serait bien pâle à côté des descriptions qui en ont été faites dans nos journaux, tant en prose que dans le langage des deux [sic].
Pour décrire cette merveille, il me faudrait la plume d’un Mark Twain ou d’un Théophile Gaultier.
Les milliers d’Américains, qui ont visité notre ville durant le carnaval, sont repartis tout enchantés de leur voyage, et ne nous garderont certainement pas rancune d’avoir été, en les attirant ici, la cause qu’ils se sont fait quelque peu pincer par le froid.
Aussi l’on ne peut voir en Amérique de plus charmants spectacles que ceux qu’ils ont eus sous les yeux.
Et puis, quand ce ne serait que pour voir passer sur nos rues les belles Canadiennes dans leurs costumes de raquetteuses, les New-Yorkais ont dû trouver que ça vaut bien la peine de se déranger un peu.
Selon moi, les capots de couverte que les Montréalaises portent par le temps qui court sont bien plus intéressants à voir que le palais de glace.
Dans tous les cas, ils sont bien plus chauds.
Le palais de glace me fait songer à ces femmes superbes dont la beauté vous éblouit, mais dont le cœur est froid.
Les capots et les tuques des raquetteuses me font songer à ces Indiennes séduisantes dont parlent les romans de Fenimore Cooper.
Le premier qui a eu l’idée d’organiser un carnaval d’hiver mérite une médaille d’or, et celle qui la première a revêtu un habillement comme ceux des clubs de raquettes mérite bien qu’on lui élève quelque chose, quand ce ne serait qu’une statue de….. neige.
Le carnaval est passé.
Il a brillé comme l’aurore boréale qui durant nos froides nuits d’hiver fait palpiter dans l’éther son clavier lumineux, mais, hélas ! il n’a duré guère plus longtemps qu’elle.
Qu’importe ! c’est toujours autant de pris pour ceux qui ont voulu s’amuser et pour ceux qui ont voulu faire de l’argent.
L’illustration d’un couple de raquetteurs montréalais lors du carnaval d’hiver de 1884 est parue dans le numéro spécial sur cet événement du Montreal Herald du 4 février 1884. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Raquetteurs».