Va-t-il sauter ?
Le 30 décembre 1891, le journal Le Canadien annonce que Big John, un Mohawk de Kahnawake, s’apprêterait à sauter à nouveau les rapides de Lachine au jour de l’An.
Big John de Caughawaga [sic] se dispose à sauter les rapides de Lachine en canot, le 1er janvier et à venir accoster à Montréal vers 1 heure. Voilà une douzaine d’années qu’il accomplit cet exploit, et il promet un grand discours à ceux qui assisteront à son arrivée à Montréal.
Et, finalement, Big John saute.
Le 4 janvier 1892, Le Canadien raconte :
Big John de Caughnawaga a sauté, le premier jour de l’an, les rapides de Lachine en canot en compagnie de son fils, Alex. John Murray, et de deux autres individus, dont l’un se nomme George Watt, domicilié dans la rue William. Big John a gouverné le canot pendant que son fils et Murray ont ramé.
Le départ de Caughnawaga a eu lieu vers dix heures du matin et le seul endroit où ils ont éprouvé de l’embarras à cause de la glace est justement à la tête des rapides. Le vent soufflait de l’Est. La lame était forte et ils furent couverts d’eau. En descendant les rapides, Big John était complètement caché par l’écume et on craignit pendant quelques minutes que son embarcation ne fût chavirée. Aussi, c’est avec la plus grande joie qu’on le vit émerger tenant toujours son aviron. On a été obligé de vider plusieurs fois l’embarcation qui s’emplissait sans cesse d’eau.
Il y en avait trois ou quatre pouces lorsqu’elle a atteint le quai Jacques-Cartier. Il y avait à peu près 200 spectateurs pour saluer les voyageurs quand ils débarquèrent.
Le débarquement fut difficile à cause de la glace. Un homme du nom de Cotton, un des spectateurs, a voulu se rendre jusqu’au bateau sur la glace. Celle-ci a cédé et ce n’est pas sans peine qu’on a pu le sauver.
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Sauter les rapides de Lachine semble être une tradition du jour de l’An chez les Amérindiens de Kahnawake. Trois ans auparavant, le 4 janvier 1889, le journal Le Canadien raconte : Baptiste Canadien accomplit son projet. Le saut des rapides Lachine a été accompli en chaloupe, mardi, tel qu’annoncé par le Gros Baptiste Canadien, en compagnie de Lazarre Stacey, Joe Reed, Traverse-la-Rivière et deux journalistes. Ils sont partis de Caughnawaga à 10.30 heures mardi matin et sont arrivés en face de la ville, au grand quai, à 1 heure après-midi. Le voyage s’est accompli sans accident, mais non sans misère. La chaloupe montée par des intrépides voyageurs a suivi le chenal principal et ses occupants racontent qu’ils ont rencontré beaucoup de glaces flottantes, ce qui rendait leur course fatigante et périlleuse. Leur chaloupe avait trente pieds de longueur et cinq de largeur. Il faisait froid sur l’eau et ces hardis canotiers ne se firent sans doute pas défaut de quelques rasades pour se dégourdir, car il en paraissait quelque chose à leur arrivée. Cela n’a pas empêché la foule rassemblée de les accueillir avec enthousiasme.
Le 1er janvier 1900, Baptiste Canadien avait bien souhaité sauter à nouveau les rapides de Lachine, mais il n’avait pas trouvé de partenaires.
Question: Big John et Baptiste Canadien, sont-ce la même personne ?
L’illustration provient du site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec au descripteur «LACHINE (rapides)».