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Le monde astral

En 1900, comme aujourd’hui, la population aime beaucoup les sujets se rapportant à la vie céleste. La presse ne manque jamais, lorsqu’elle le peut, de proposer un article lorsqu’il s’en trouve. La Patrie (Montréal) du 10 octobre 1888 reproduit le texte de la conférence de l’abbé [Paul] de Foville (1840-1909), qui séjourna à Montréal pendant huit ans, de 1887 à 1895, et remplit différentes fonctions au Collège de Montréal.

En présence du monde des astres, deux problèmes se sont de tout temps imposés à l’esprit humain : Quelle est la vraie nature de ces êtres lumineux ? Quelle est celles des mouvements par lesquels ils sillonnent la voûte céleste ?

À la première question, un commencement de réponse positive n’est devenu possible que par les plus récents progrès de nos sciences physiques. L’antiquité n’y avait répondu que par ses rêves idolâtriques et astrologiques ou par des systèmes prétendus philosophiques, mais aussi pleins de chimères.

La seconde question, qui nous occupera seule aujourd’hui, était plus accessible aux observations primitives, mais pourtant hérissée de difficultés, en ce qui concerne les mouvements planétaires. Ces difficultés tenaient aux illusions de la perspective céleste, à l’extrême éloignement des astres, à l’absence de tout point fixe pour observer leurs mouvements.

Nous connaissons aujourd’hui le vrai plan du système solaire. Il ressemble à une flotte immense évoluant dans l’espace autour d’une île de lumière. Mais les proportions de cette flotte céleste ne ressemblent à rien de ce que nous voyons ici bas. Si la terre était figurée par un globe d’un pied de diamètre, le diamètre du soleil à la même échelle aurait 110 (une fois et demie celui du dôme de la cathédrale); la distance du soleil à la terre serait de plus de 2 milles et sa distance à Neptune, la plus éloignée des planètes connues, de plus de 65 milles.

Tandis que la terre parcourt en un an son orbite de près de 80 millions de lieues de diamètre, à la vitesse de sept lieues par seconde, Mercure et Vénus plus rapprochées du soleil opèrent respectivement en 3 mois et 7 mois leurs révolutions qui sont leurs années; celle de Jupiter, la plus grosse planète dure 12 ans; celle de Neptune 165 ans. On entrevoit quelles complications résultent de ces inégalités dans les apparences des mouvements observés de la terre; elles sont encore augmentées par les inclinaisons des orbites.

La forme sphérique du soleil, la course circulaire des étoiles avaient paru aux anciens le type idéal de la beauté. Et, regardant les astres comme divins, ils avaient posé en principe qu’ils sont tous des sphères parfaites et que tous leurs mouvements sont circulaires.

Ceux des planètes présentant un tout autre aspect, Platon formula, dit-on, le premier un problème qui servit pendant 2,000 ans de thème à toutes les recherches astronomiques : expliquer les apparences des mouvements planétaires par des combinaisons de mouvements circulaires. Higparque [sic] et Ptolémée, les deux grands astronomes d’Alexandrie, travaillèrent successivement à la solution de ce problème par des mesures prises sur le ciel. La terre était, dans leur système, le principal centre des révolutions célestes; le soleil, la lune, les planètes tournaient comme des satellites autour de centres invisibles qui circulaient eux-mêmes autour de la terre.

Dans la première année du XVIe siècle, Copernic, jeune Polonais, âgé de 27 ans, et signalé par de brillantes études, commençait à enseigner à Rome l’astronomie de Ptolémée. Frappé de la complication de son système, il sentit que le vrai plan de la nature devait être plus simple et commença à le chercher. De retour en Pologne, il embrassa l’état ecclésiastique, devint chanoine de Franenburg et partagea toute sa vie entre ses devoirs sacerdotaux, les œuvres de la charité et les études astronomiques. De bonne heure, il fut convaincu que le soleil était immobile et que la terre, semblable aux autres planètes, circulait avec elles autour de lui; mais perfectionnant toujours son œuvre, il ne consentit que dans sa vieillesse et sur les instances de deux prélats à publier l’ouvrage où il avait consigné sa grande découverte. Le pape Paul III agréa la dédicace du livre. C’est le jour même de la mort de Copernic, 24 mai 1543, que le premier exemplaire de son livre lui fut apporté alors que ses yeux étaient déjà fermés à toutes les préoccupations d’ici-bas.*

Kepler acheva l’œuvre de Copernic et prépara celle de Newton. Copernic avait découvert le vrai centre des orbites planétaires, mais non pas encore leur vraie forme; ses instruments grossiers, façonnés de ses propres mains, le laissaient dans l’incertitude à cet égard. Héritier en 1601 des observations de Tycho Brahé, dont le grand mérite fut de pousser la précision des instruments plus loin qu’aucun de ses devanciers, Kepler acquit la conviction qu’elles ne pouvaient cadrer avec des orbites circulaires. Après des essais mille fois renouvelés, après mille tâtonnements infructueux, des calculs sans cesse repris avec une infatigable ardeur, il parvint enfin à la découverte des trois lois mathématiques, sur le mouvement elliptique des planètes, qui ont pour jamais illustré son nom.

Élevé dans les erreurs luthériennes, mais esprit profondément religieux, il se préparait au travail par la prière et s’y animait par l’espoir de glorifier Dieu en révélant la beauté de ses œuvres. Le succès de ses immenses travaux est d’autant plus remarquable qu’il eut toujours à lutter contre une santé débile, une situation précaire et des traverses de tout genre. Dès sa jeunesse, les théologiens protestants de son pays l’avaient persécuté pour ses opinions coperniciennes; réfugié dans une province autrichienne, il eut à souffrir des troubles religieux qui s’y élevèrent contre ses coreligionnaires; les  Jésuites de Gratz, qui estimaient ses travaux et son caractère, furent alors et depuis ses plus fidèles protecteurs. Né à Wurtemberg, 28 ans après la mort de Copernic, il mourut à Ratisbonne, en 1630, 30 ans avant la naissance de Newton.

 

* À noter que c’est au printemps 1543 que François de la Roque de Roberval, qui dirige l’établissement français du cap Rouge, apprend qu’il est rappelé par le roi François 1er. Ce dernier a besoin de lui, brillant ingénieur militaire, pour aller préparer les défenses de la ville de Senlis, en Picardie. C’en est fini alors de cet établissement français dans la région de Québec.

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