Aller aux courses, ça vous dirait ?
Même si les courses de chevaux sont disparues à Montréal et à Québec, on en trouve toujours, aujourd’hui, dans plusieurs autres villes du Québec. La vogue du pari mutuel se maintient.
Au début du 20e siècle comme aujourd’hui, d’ailleurs, les courses de chevaux n’ont pas la même raison d’être, cependant, en France et en Angleterre. Là, on se rend à un événement social et mondain bien plus qu’à une activité commerciale. «C’est la mode de paraître aux champs de courses comme c’est la mode de s’habiller dans les derniers goûts pour s’y rendre.»
Dans L’Album universel du 29 juillet 1905, Paul Lécuyer nous raconte ce que sont alors les courses de chevaux en Amérique, en particulier à Montréal.
En Amérique, aux États-Unis et au Canada, une course de chevaux est un événement sportif d’abord. […] La valeur des chevaux qui prennent part au tournoi, leur renommée et leur vitesse, c’est là la seule préoccupation du professionnel qui n’engage son argent que sur la bête de son choix et de visu. Le nom du concurrent lui suffit. Parier sur des courses de chevaux est devenu une frénésie en Amérique, et, dans toutes les villes un peu considérable, l’on risque des fortunes sur le nom de tel ou tel trotteur, qui prend part à une course, sur un point quelconque du continent.
Montréal a ses champs de courses, dont quelques-uns, comme le Bel-Air, sont fameux, et où ont paru successivement depuis quelques années les chevaux les plus rapides d’Amérique.
Dans ces derniers temps, un groupe de sports et d’hommes d’affaires canadiens-français ont fondé, dans la partie Est de l’île de Montréal, le Parc Delorimier, où se donnèrent d’abord rendez-vous les amateurs de Montréal et des environs. L’endroit prit vite de l’importance et des trotteurs étrangers vinrent bientôt se disputer ici les records établis. […]
Le Parc Delorimier possède une piste magnifique d’un demi-mille de circonférence. En terme de métier, cette piste est reconnue comme étant une «piste lente», en rapport avec la nature du sol, et, dans un concours, on fait la part du désavantage apparent qui résulte de ce fait, en allouant une fraction de temps proportionnée à la différence existant entre une «piste lente» et une dite «piste rapide». Ainsi, par exemple, «un temps» de 2 minutes et 15 secondes sur la piste du Parc Delorimier équivaut à 2 minutes et 11 secondes ailleurs. […]
Aménagé avec tout le confort possible, conforme aux exigences du sport le plus entreprenant, d’un accès facile de tous les points de la ville au moyen du service des tramways urbains, le Parc, situé en rase campagne, est le lieu idéal pour les amateurs de courses. Quatre mille personnes peuvent trouver place sur les grandes estrades, d’où l’on obtient une vue complète du terrain, et l’admission est à prix populaires.
Rien de plus passionnant qu’une course entre des concurrents d’à peu près égale valeur. Dès que le signal a lancé les chevaux sur la piste, l’attention devient générale : on ne voit plus que ces légers nuages de poussière qui filent là-bas. La foule se partage au fur et à mesure que des distances se produisent entre les chevaux; les uns jubilent, les autres trépignent, et, quand au premier tour les concurrents défilent devant la tribune, la foule devient houleuse et bruyante, et pendant la dernière partie de la course, c’est une longue suite de cris, d’imprécation ou de joie, jusqu’à ce que, soufflants, haletants, blancs d’écume, les premiers chevaux de précipitent au but, qu’ils ont vaillamment gagné. Alors, c’est l’explosion. Les imprécations répondent aux applaudissements des partisans du vainqueur de la course.
Puis, c’est la visite à la tribune des juges, la détermination certaine du «temps» des divers chevaux, et, enfin, les règlements de compte entre parieurs heureux et malheureux. […]
Les événements de la semaine dernière ont démontré toute la popularité de notre champ de course national et la réunion a été la plus belle que nous ayons encore eue à Montréal, tant par le nombre que par la valeur des participants Une somme de $3,500 a été distribuée aux vainqueurs des différents concours et des foules considérables ont assisté à ce grand tournoi hippique, dont tout le succès revient aux organisateurs.
Ce n’est là, dit-on, que le prélude d’autres grandes réunions, qui auront lieu cet été au même endroit.
Les résultats obtenus jusqu’ici sont la garantie du développement que ne manquera pas de prendre une entreprise déjà si en faveur auprès de notre public.
Les deux photographies accompagnent l’article de Lécuyer dans L’Album universel. On les retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Courses de chevaux».