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Enfin des nouvelles d’Owney ! (seconde partie)

Hier, je proposais la première moitié d’un texte sur Owney, cet incroyable chien voyageur. Voici la suite. Il s’agit d’un article de Léon Ledieu paru dans Le Monde illustré du 10 mars 1894.

Nous avons vu que le bureau de poste d’Albany, dans l’État de New-York, était le pied-à-terre d’Owney, mais qu’il aimait surtout voyager dans les wagons postaux des différentes compagnies ferroviaires. Reprenons le fil du texte de Ledieu.

 

Puis il continua à voyager.

Un de nos confrères reproduit le passage suivant d’un journal américain :

« Nul mieux que lui, paraît-il, ne connaissait l’horaire et le réseau des chemins de fer. Pour n’en citer qu’un exemple, Owney, il y a de cela quelques années, vint à Montréal. D’ici — toujours seul, bien entendu — il poussa une pointe jusqu’à Sherbrooke, puis voyagea successivement sur le South Eastern, le Montreal & Dundee. Il se rendit à Ottawa par le Canada Atlantic et en revint le lendemain par le Canadian Pacific. Pour regagner Albany, il visita minutieusement nos deux gares, choisit un train en  partance pour Toronto; là mit pied à terre, pris un autre train sur Hamilton; de là se dirigea sur Niagara en prenant le transfert de rigueur et, des chutes Niagara, fila tout droit sur New-York, après avoir attendu quatre heures en gare le train particulier chargé du raccordement. »

Je ne me porte pas garant de l’exactitude parfaite de ce paragraphe, et j’aime mieux mettre de côté ces récits, dans lesquels on a peut-être forcé la note, pour revenir à l’histoire vraie.

Un an et plus s’était écoulé depuis la visite d’Owney en Canada quand, en 1892, une affaire appela M. Talbot aux États-Unis.

Dans le train, il rencontra M. et Mme Louis Bilodeau, de Québec, et Mme L. G. Demers (de l’Événement), qui se rendaient en Floride, et le voyage alla bien jusqu’à Albany, où les voyageurs furent forcés de s’arrêter quelques heures, pour une cause quelconque, déraillement ou autre.

— Ma foi, dit M. Talbot, à ses compagnons de route, je ne suis pas fâché de ce retard, car j’aurai le temps d’aller voir un ami qui demeure ici.

— Un ami, ici ? Un Canadien ?

— Je le crois Américain.

— Mais qui, enfin ?

— Un chien.

 

Exclamations, rires, etc., tant et si bien que l’histoire racontée, les trois voyageurs voulurent accompagner M. Talbot au bureau de poste.

— M. Warner est-il visible ?

— Non, monsieur, il est absent et ne reviendra que demain.

— J’arrive du Canada et je n’ai malheureusement pas le temps d’attendre; mais j’ai un autre ami au bureau.

— Son nom, s’il vous plaît ?

— Owney.

— Owney ! Vous venez du Canada, mais alors vous êtes M. Talbot.

— En effet, c’est moi-même.

— Pardieu, vous jouez de malheur; Owney est parti depuis trois semaines, il est à la Nouvelle-Orléans !

 

On reçut encore plusieurs fois des nouvelles du chien explorateur — le Stanley de la race canine — il continuait ses pérégrinations allant du nord au sud, de l’est à l’ouest, toujours dans le wagon poste; bon pour les employés que le lui rendaient bien, féroce pour les intrus, auxquels il montrait un râtelier; couché sur les sacs de lettres et de journaux, dont il semblait respirer l’âcre senteur avec délice; gardien des secrets de famille et d’État, grave, presque solennel, en chien convaincu qu’il était de remplir une mission sérieuse.

Les employés pouvaient quitter leur wagon pour aller prendre une bouchée au buffet d’une gare sans crainte d’être volés pendant leur absence. Quand Owney était là, la place était bien gardée.

J’ai son portrait devant moi, et je regrette qu’il soit trop tard pour le publier cette semaine.

À quelle race appartient-il ? Impossible de le classer. Il tient de plusieurs types. Il n’est pas beau, mais il a une bonne tête, l’œil est doux, calme, il a l’air de penser, et certainement il doit penser plus que beaucoup d’autres animaux qui se prétendent raisonnables.

Fortement muselé, il ne fait cependant pas parade de sa force, mais ceux qui ont eu affaire à ses crocs en ont gardé de cuisants souvenirs, témoin le policeman de Connors.

La réputation d’Owney était si bien établie, que la nouvelle de sa mort produisit, le mois dernier, une profonde impression.

 De quoi et comment est-il mort ? C’est ce que j’ignore.

Pauvre chien, sans parents connus, aucun des siens n’a pu lui fermer les yeux, et c’est sans doute dans les bras d’un employé des postes qu’il a dû rendre le dernier soupir.

Owney qui n’avait d’autre amour que celui des lettres était célibataire, et cela est bien fâcheux, car ses descendants auraient sans doute conservé pour les nôtres les traditions d’honneur et de fidélité de leur aïeul vénéré.

Owney est mort, paix à ses cendres, et puisse ce brave homme de chien recevoir dans le paradis des bêtes la récompense qui lui est due pour les longs et loyaux services qu’il a rendus à l’humanité !

 

La photographie du timbre américain sur Owney provient du site : http://www.cfnews13.com/content/news/cfnews13/news/article.html/content/news/articles/ot/both/2011/07/27/New_stamp_honors_19th_century_U_S_Postal_Service_dog_Owney.html

Y a-t-il un cinéaste quelque part ? Même pour du cinéma d’animation ?

P. S. Sur l’intelligence du chien, j’ai mis aussi en ligne cet article, voilà deux semaines.

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