Cessez de sombrer
Ah, chers déprimés de l’automne, secouez-vous, dit Geneviève. Cessez de cultiver vos pensées moroses venues de ce temps de l’année.
J’ignore tout de cette Geneviève. Elle pourrait être Georgiana Lefaivre, qui se donnait aussi le pseudonyme de Ginevra. Chose certaine, la voilà lançant un appel à la réaction dans Le Monde illustré du 19 novembre 1892. Son texte s’intitule «En passant».
Allons ! Allons ! Assez de poèmes élégiaques, réveillons la note gaie, plutôt.
C’est l’automne, bien vrai : l’automne avec sa grande voix impétueuse qui roule avec fracas dans les airs et retombe dans un long souffle traînard en passant à nos fenêtres, le soir surtout, à l’heure des revenants….
Mais si nous étions toujours aux brises tièdes, butinant avec les abeilles et mettant dans l’air de riches senteurs, aux zéphyrs coquetant avec les tiges d’arbustes frêles, aux tapis de gazon, à la délicate draperie des mousses….; dites, si cela était toujours, l’homme en serait-il plus satisfait, lui, l’inconstant, la frivolité même ? Ne s’amuserait-il pas ailleurs «à peser des œufs de mouche dans des balances de toiles d’araignée» ?
Eh ! Qu’importe si la riche parure des arbres est vouée à la poussière du chemin; si de leur branchure, d’où sortaient les murmures joyeux des virtuoses ailés, viennent s’engouffrer d’immenses rafales entrechoquant les rameaux décharnés et brisant les nids des chanteurs gracieux.
Que sert à l’âme endolorie de contempler tout le jour les nuages gris sombre s’effilochant sous un ciel incertain et de vouloir que du soleil pâle jaillissent des rayons de lumière plus chaude ?
Pourquoi s’obstiner, au départ de l’été, à faire de nos cœurs des urnes funéraires débordant de cendres fumantes ? Si la loi des saisons cessait de s’accomplir, en serions-nous plus habiles à jeter l’ancre du bonheur ?
À bientôt, mes amis, les splendeurs hivernales, les sleighs élégants, glissant sur la neige immaculée, au son cristallin des clochettes d’argent; les courses sur patins, à la raquette et les tendres retours au «glissez, mortels : n’appuyez point» de la tobaggane…. Sans compter les fêtes de Noël, du jour de l’an, le gâteau des rois — et le sceptre de circonstance, le carnaval — autre époque favorable aux amoureux — les bonhommes de neige qu’on prendrait de loin pour des ours du Nord, etc., etc.
Tout cela, sans compter les concerts, les théâtres, et toujours, quand même, les minois roses et blancs, aux yeux bleus, bruns ou d’ébène, tranchant si merveilleusement sur le grand manteau blanc à nos pieds. Et aux jours de givre, avec quel gusto s’accrocheront aux moustaches belliqueuses des messieurs une foule de perles fines et brillantes….
Mon Dieu ! prenons donc la peine de compter nos trésors !
Mon dieu cette Geneviève arriverait presqu’à me faire aimer l’hiver! Je cherche tout de suite ma tobaggane!
Ah, la dame est bien enjouée, cher Roger. «Imaginez tous ces beaux jours qui nous attendent !» Ici, j’ai déjà commencé à patiner, sur une glace réfrigérée, bien sûr, mais les courses en patins, pas pour moi. Sortez le traîneau de la cave, mettez la tobaganne debout à côté de la porte, la neige n’est sans doute pas loin !
Ici en Acadie — Péninsule Acadienne — on emploie beaucoup de
ces mots. Pendant longtemps on n’avait que un
poste de radio de New carlisle en gaspésie.
Fort heureux d’avoir des nouvelles de vous, cher Monsieur Theriault, en provenance de votre belle Acadie.