Voici notre Chardonneret jaune (Carduelis tristis)
En Europe, le cousin de notre chardonneret nord-américain, le Chardonneret élégant (Carduelis carduelis) est victime d’un véritable trafic qui touche les deux rives de la Méditerranée et la Belgique.
Le quotidien français Le Monde (24 décembre 2021) y fait écho grâce à un article d’Angela Bolis, Le chardonneret victime d’un trafic de haut vol. L’oiseau est prisé pour sa beauté et son chant mélodieux. L’Office français de la biodiversité cherche à démanteler le trafic de cet oiseau protégé.
Extraits.
Des deux côtés de la Méditerranée, dans le sud de la France et plus encore au Maghreb, le chardonneret se meurt d’être tant adoré. Sa capture à l’état sauvage a pris une telle ampleur qu’elle menace l’espèce, déjà fragilisée. La passion pour cet oiseau est ancienne – en Afrique du Nord, on trouve trace de son usage domestique dès le VIIIe siècle. Il porterait chance au foyer. Sa beauté, délicate, a charmé plus d’un peintre. Et, pour une fois, son ramage se rapporte à son plumage : son chant est vif, virevoltant, varié… Si bien que certains capturent des oiseaux pour les « écoler » (les entraîner), les enfermant plusieurs mois avec un oiseau maître chanteur ou des enregistrements sonores, afin qu’ils apprennent à imiter leurs vocalises à la note près. Les plus virtuoses prennent une grande valeur, qui peut dépasser les 500 euros.
Mais le plus souvent, son commerce est moins juteux. En France, les spécimens tout juste capturés seraient vendus entre 20 et 50 euros, puis revendus jusqu’à 80 à 100 euros au marché aux puces de Marseille, épicentre de ce trafic. Leurs prédateurs : « Ça va du passionné qui fait ça par tradition familiale, sans y voir le mal, à des trafiquants polyvalents, qui s’en servent comme ressource d’appoint », expose Jean-Yves Bichaton.
Si la peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, les condamnations sont, de fait, bien plus faibles. Et le trafic, dit-on, est plus rentable que le cannabis. Pas besoin d’investir ni d’aller loin pour s’en procurer : l’oiseau est commun sur les terrains vagues et les friches des zones urbaines, sur toute la côte méditerranéenne. Dans les quartiers nord de Marseille, par exemple.
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Le trafic ne faiblit pas, et traverse les frontières. Des chardonnerets d’Afrique du Nord sont emportés en France, voyageant en ferry dans de petites boîtes cachées au fond de la voiture. Certains passent aussi par l’Espagne. « Malgré la pénurie au Maghreb, on continue à saisir des oiseaux à l’import… Mais ce qui est nouveau, c’est qu’on commence à voir aussi l’inverse, des chardonnerets qui passent de la France au Maghreb », relate Fabrice Gayet, référent des douanes pour la faune et flore.
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Parvenus dans les ports du sud de la France, certains spécimens poursuivent leur route vers le nord. A Paris, le marché aux oiseaux, qui ouvrait les dimanches sur l’île de la Cité, a été fermé par la Mairie en février, officiellement pour mettre fin à ces trafics illégaux. Qu’à cela ne tienne : la Belgique est aussi une plaque tournante notoire. On y retrouve des chardonnerets importés, du Maghreb donc, et de France ; d’autres exportés vers les Pays-Bas, l’Italie… Sans compter ceux qui sont capturés et revendus localement.
En Belgique comme dans le nord de la France, cet attachement est aussi culturel. « Avant, les mineurs descendaient au fond des mines avec des canaris pour prévenir du coup de grisou, car ces oiseaux sont très sensibles au gaz. Le rapport à l’oiseau est resté très ancré, avec des concours de chant, de beauté, des croisements entre canaris et chardonnerets… », raconte Jean-Michel Vasseur, chef adjoint du service de l’OFB du Nord, qui compte une dizaine de procédures complètes par an. Des chasseurs et pêcheurs surtout, qui braconnent à la tenderie – un filet tendu à la verticale –, piégeant des chardonnerets mais aussi des tarins des aulnes, des sizerins flammés, des bouvreuils, des pinsons, des verdiers…