Chers vous autres, il faut que je vous parle des lancements de bouteilles contenant chacune un message.

En 1975 et 1976, mon fils et moi avons lancé 455 bouteilles, parties de ce qui est aujourd’hui le Quai des Cageux, à Québec, dans le grand fleuve Saint-Laurent, J’avais prévenu mes copains de conserver les bouteilles, que nous les utiliserions. Et, à chaque fois que nous avions 12 bouteilles, on allait à ce quai, avec tous les espoirs. Mon message qui avait quatre pages était vraiment inspiré de Satprem, un écrivain français que j’aime beaucoup et qui a longtemps vécu en Inde.
Voici une partie du message dans la bouteille.
Depuis longtemps, quand je me retrouve sur une plage, je marche avec l’espoir de trouver une bouteille contenant un message. J’ai trouvé des bouteilles abandonnées sans bouchon, et bien sûr sans message. Une épave. Mais jamais une bouteille qui parle.
Maintenant que j’ai 33 ans, en compagnie de Sébastien, mon fils qui a 7 ans et qui raffole d’aller jeter des bouteilles contenant des messages, j’ai aussi autant de joie à lancer des bouteilles à l’eau que j’en aurais à en trouver sur une plage.
Notre lieu de lancement : la plage de l’Anse-aux-Foulons, sur le fleuve Saint-Laurent, un fleuve magnifique qui coule en face de la ville de Québec, en Amérique du Nord.
Je connais assez Satprem pour l’imaginer préparer une bouteille contenant un message et la lancer quelque part pour faire naître une rencontre. Lancer ainsi une bouteille contenant un message, c’est jouer avec les marées, les courants, les soleils, les tempêtes, les saisons, les pleines lunes et les rochers Lancer une bouteille contenant un message, c’est faire de la Mère-Terre un grand terrain de jeu, de partage, en espérant que ce message n’aura pas été vain, qu’il fera peut-être énormément plaisir à quelqu’un, habitant d’autres cieux merveilleux.
Lancer une bouteille contenant un message, avec tous les hasards que cela comporte, c’est comme émettre une signal d’amitié, c’est envoyer à quelqu’un en particulier un grand salut, sans savoir si cette personne sera là pour recevoir le message, sans savoir si, de baies en anses, d’anses en baies, de flux en reflux, de reflux en flux, la bouteille, enceinte de son message, réussira à l’apporter à cette personne. Et Satprem le dit et redit, il n’y a pas de hasard. Très souvent, il suffit de s’arrêter pour bien voir l’envol entre deux personnes, traversant le temps qui passe.
Lancer une bouteille, c’est jour avec ce que le hommes appellent la Hasard. Mais je ne crois pas au Hasard.
Je crois au grand Rythme qui unit tout. La bouteille se laisse bercer par le grand Rythme. Car il existe un grand Rythme. Si tu étais là pour recevoir cette bouteille, c’est à cause de ce grand Rythme. Cette bouteille t’était destinées à toi. À qui d’autre, crois-tu, qu’elle était destinée ? À personne d’autre qu’à toi. Puisque c’est toi qui l’a trouvée.
Chaque chose, chaque être a son rythme, de même que chaque événement. Comme le retour des oiseaux du Nord à l’automne, c’est le grand Rythme, son indivisible symphonie dont nous nous sommes séparés dans un petit corps mental. Mais il est là, ce Rythme, au cœur de tout et en dépit de tout. Car, sans lui, tout se désintègrerait, s’éparpillerait, s’ébarouirait : c’est l’aglutinant primordial, le réseau musical qui relie les choses, leur vibration intime, leur couleur d’âme, leur note.
Le monde entier est un poème qui devient vrai, une image qui s’élucide, un Rythme qui prend corps.
Peu à peu, chaque enfant que nous sommes regarde avec des yeux de vérité et découvre la belle image qui était là depuis toujours. Il écoute un Rythme qui ne meurt pas, et, accordé au Rythme, il entre dans l’immortalité qu’il n’avait jamais cessé d’être.
(…)
Les bouteilles ont touché les rives du fleuve et ont filé jusqu’aux Iles-de-la-Madeleine, à Terre-Neuve, à l’île du Prince-Édouard et à Saint-Pierre et Miquelon. Il y a une dame de Miquelon qui a écrit ces mots.
Miquelon 21 mars 1976. Cher Ami, Votre message est tombé dans les mains d’une jeune fille qui aime se promener sur la dune et qui espérait aussi toujours trouver un message dans une bouteille. Et voici que hier à 3 heures 1/2 le rêve s’est réalisé. Et un message avec des mot merveilleux. J’ai lu vos feuilles avec intérêt et beaucoup de joie, j’ai eu l’impression de n’avoir pas que du papier entre les mains, mais deux présences près de moi, Vous et votre petit garçon. Un lien qui nous a unis. Et qui sait ? Peut-être qu’un jour on se verra. De toute façon, si on ne se voit pas sur cette terre, on se reverra dans l’éternité et c’est chose certaine. Sur cette dune est dressée une croix avec le Christ, en passant je me suis arrêtée pour prier pour Vous. Je Vous souhaite à Vous deux et aux vôtres tout le bonheur possible et beaucoup d’amour. Sincères amitiés. Je garderai toute ma vie votre poème en souvenir. Merveilleux.
Et, bien sûr, je lui ai répondu. Chère amie, c’est merveilleux ! Nous avions lancé cette bouteille à la mer et, depuis ce temps, nous vivions d’espoir. Et, soudain, de recevoir une réponse comme la vôtre, c’est vraiment merveilleux ! Car toutes les attitudes sont possibles devant un tel message. Cela dépend beaucoup de la personne qui le trouve. Il peut laisser indifférent, intrigué ou intimidé. Mais qu’il tombe entre les mains d’une jeune fille qui adore se promener sur la dune et qui espérait depuis longtemps trouver un message dans une bouteille, et qu’il soit si bien et si simplement compris, c’est vraiment merveilleux !
Finalement, la Vie fait toujours bien les choses. Chaque événement se produit toujours au moment où il doit se produire. Nous étions là, à des milles, à des kilomètres de distance, et un lien nous a unis. S’il était possible, un jour, de faire ainsi de la Terre un grand terrain de jeu, un grand terrain d’échange, ce serait fantastique !
Nous rêvons ? Peut-être. Mais il est important de rêver. L’univers est un poème, mais beaucoup des hommes l’ont oublié.
Hier, c’était une bouteille de bonne intention que nous lancions. Demain, nous aimerions bien aussi envoyer plein de ballons de toutes les couleurs, de cerf-volants de toutes les formes et de pigeons-voyageurs avec des messages d’Amour à la patte. Ce serait notre hymne à la Joie.
Et qui sait? Si beaucoup d’hommes étaient dans les dispositions où vous étiez le jour où vous avez trouvé la bouteille et dans celles où nous étions le jour où nous l’avons lancée, la Terre redeviendrait peut-être très belle, avec plein d’oiseaux qui chantent, d’enfants qui gambadent et de soleils qui se lèvent. Plus jamais la guerre. On réapprendrait à prendre le temps de vivre. On cesserait de mourir sa vie à la gagner. Nous deviendrions des soleils. Et nous partagerions, tous et chacun d’entre nous, nos raisons de vivre.
Chère Michelle, merci mille fois pour votre merveilleuse réponse ! Vous nous avez fait beaucoup beaucoup de plaisir ! Nous vous souhaitons à vous et à tous les vôtres beaucoup de bonheur, beaucoup d’Amour.
Heureuse Vie !
Sincères amitiés.
jean
Et le 11 juin 1976, elle écrivait « Merci ami très cher d’avoir semé des fleurs sur mon chemin. Douceur de l’amitié. Bonheur de deux cœurs ouverts et purs qui se sont rencontrés un jour quoique éloignés. Mystérieuse rencontre. Doux message. Reconnaissance d’une fille à qui vous avez souri. « L’amitié est un parfum qui embaume la vie. » Bonne chance ami inconnu. »
Pour tout vous dire, il s’agit de madame Michelle. Un Ange, qui s’est envolée le 14 juin 2022 à 81 ans. Nous avons le même âge, elle et moi.
C’est merveilleux d’avoir des vies ! D’avoir des vies semblables, uniques ! Et riches !