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Connaissez-vous Sylvia Plath ?

Âme sensible, elle est partie bien tôt. Née en banlieue de Boston en 1932, elle décède à Londres en février 1963, âgée de 30 ans. Sa page Wikipédia la dit poétesse, nouvelliste, romancière.

Gallimard, dans sa collection Poésie, a publié en version bilingue deux de ses ouvrages parus en 1971,  Crossing the Water et Winter Trees. Extrait de ce livre, voici un de ses cris du cœur.

Lettre d’amour

Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.

Si je suis en vie maintenant, j’étais morte alors,

Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète,

Et je restais là sans bouger selon mon habitude.

Tu ne m’as pas simplement un peu poussée du bout du pied, non —

Ni même laisser régler mon petit œil nu

À nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,

De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles.

 

Ce n’était pas ça. Je dormais, disons : un serpent

Masqué parmi les roches noires telle une roche noire

Se trouvant au milieu du hiatus blanc de l’hiver —

Tout comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir

À ce million de joues parfaitement ciselées

Qui se posaient à tout moment afin d’attendrir

Ma joue de basalte. Et elles se transformaient en larmes,

Anges versant des pleurs sur des natures sans relief,

Mais je n’étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.

Chaque tête morte avait une visière de glace.

 

Et je continuais de dormir, repliée sur moi-même.

La première chose que j’ai vue n’était que de l’air

Et ces gouttes prisonnières qui montaient en rosée,

Limpides comme des esprits. Il y avait alentour

Beaucoup de pierres compactes et sans aucune expression.

Je ne savais pas du tout quoi penser de cela.

Je brillais, recouverte d’écailles de mica,

Me déroulais pour me déverser tel un fluide

Parmi les pattes d’oiseaux et les tiges des plantes.

Je ne m’y suis pas trompée. Je t’ai reconnu aussitôt.

 

L’arbre et la pierre scintillaient, ils n’avaient plus d’ombres.

Je me suis déployée, étincelante comme du verre.

J’ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars :

Un bras, puis une jambe, un bras et encore une jambe.

De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.

Maintenant je ressemble à une sorte de dieu

Je flotte à travers l’air, mon âme pour vêtement,

Aussi pure qu’un pain de glace. C’est un don.

 

Sylvia Plath, Arbres d’hiver précédé de La Traversée, Paris, Gallimard nrf Poésie, 1999, p. 115ss.

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