Connaissez-vous « Rondeur des jours » de l’écrivain français Jean Giono ?
Il y a plein de tendresse dans ce livre, et des surprises magnifiques. Voici un de ces passages.
Les enfants sortent de là [d’une école primaire communale à l’usage des fermes] en se tenant la main, et ils partent seuls sur le plateau pour des quatre ou cinq kilomètres dans cette lumière de fin du monde qui tombe du ciel au crépuscule. Alors, la femme, toute pâle, s’avance des enfants. Elle ne dit rien. Elle n’a besoin de rien dire, elle regarde les enfants avec ses beaux yeux.
Ils sont comme de la pervenche avec du bleu et du vert et de l’innocence et tout constellés d’images avec des rois d’or, des prés où dansent des chèvres rousses, des abeilles porteuses de miel, des saules avec de l’eau, des poupées qui disent « papa-maman » et des grandes mers à l’usage des petits enfants, avec des bateaux pour de vrai, qu’on fait partir rien qu’en soufflant avec ses joues.
Elle ne dit rien, elle regarde les enfants, puis elle tend vers eux sa main blanche, comme un sorbet à la crème. Les enfants prennent cette main, toute la farandole s’en va à petits pas, petitpatapon dans le désert du plateau et on n’en retrouve jamais plus rien, ni os, ni dent, ni tablier, ni ruban de cheveux. Plus rien.
Jean Giono, Rondeur des jours, Paris, Éditions Gallimard, 1943, p. 48s.